A la télé américaine et dans les séries, il y a eu un avant et un après The Wire, parangon d’un genre à la fois capable de réinventer la puissance du récit et de raconter un pays déchiré, en conflit avec lui-même – un conflit toujours brûlant presque dix ans après le dernier épisode. Il est encore trop tôt pour […]
La nouvelle série de David Simon, The Deuce, est magnifiée par la performance de Maggie Gyllenhaal en travailleuse du sexe. Le début d’une saga romanesque puissante ?
A la télé américaine et dans les séries, il y a eu un avant et un après The Wire, parangon d’un genre à la fois capable de réinventer la puissance du récit et de raconter un pays déchiré, en conflit avec lui-même – un conflit toujours brûlant presque dix ans après le dernier épisode.
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Il est encore trop tôt pour savoir si The Deuce, créée par le même homme, David Simon (accompagné de l’écrivain George Pelecanos, grande figure de la salle d’écriture de The Wire), marquera son époque avec la même démentielle pertinence. Mais à l’échelle de 2017, année pourtant saturée en séries majeures (de I Love Dick à The Handmaid’s Tale et Twin Peaks saison 3), The Deuce pose son empreinte.
Dans les rues de New York, en 1970
Pour la première fois, l’ultra-énervé Simon, l’empêcheur de tourner politiquement en rond, a choisi un sujet sexy qui ne lui ressemble pas trop a priori : les rues de New York, en 1970, où un tenancier de bistrot affilié à la Mafia (James Franco) et son frère jumeau petite frappe (James Franco bis, toujours moustachu) naviguent dans un monde interlope d’où surgissent travailleuses du sexe, macs en costume flamboyant et flics assignés aux patrouilles de nuit.
https://youtu.be/1dvpkyRx_ak
Quelques destins féroces se profilent dès le début, avec la question d’une reconstitution un peu trop fidèle à l’imagerie classique beaucoup vue au cinéma et dans les séries comme Vinyl. Rien ne manque dans les premiers épisodes de The Deuce, ni les voitures, ni les fringues, ni la soul. Un genre de folklore s’installe malgré tous les efforts des créateurs et de la réalisatrice du pilote, Michelle McLaren, pour le dépasser.
Spécialiste ès blessures de l’Amérique contemporaine (on lui doit aussi The Corner, Generation Kill et la belle Treme sur l’après-Katrina à La Nouvelle-Orléans), Simon ne s’était intéressé qu’une seule fois à une période antérieure aux années 2000, dans l’austère et émouvante Show Me a Hero qui parlait d’un jeune maire et de projets immobiliers, au sein d’une petite ville de la Côte Est dans les années 1980.
« The Deuce », un contre-modèle néoclassique
Cette fois, il plonge dans une topographie et une symbolique chargées. Ce n’est qu’après quelques épisodes que le décor s’efface, ou du moins prend un sens. A l’heure des séries fragmentées, souvent ultraformalistes et fascinées par l’univers mental de ses personnages, The Deuce apparaît alors comme un contre-modèle néoclassique.
Ici, la croyance dans le romanesque dirige tout, et s’appuie sur une forme d’approfondissement et de dépassement du réalisme. En voyant la série, on saisit à quel point Simon et Pelecanos, qui se sont entourés pour écrire de scénaristes femmes, gays et trans, sont obsédés comme peu d’autres par la matière humaine des histoires qu’ils veulent raconter. Même pour évoquer les seventies, ils ont besoin de vibrations intimes et personnelles avant de façonner un récit à infusion lente.
Dans cette toile en construction dont on imagine déjà l’ampleur unique, c’est pour Candy que l’on tremble. Elle travaille sur le trottoir sans souteneur, ce qui fait d’elle un modèle d’indépendance dans un milieu violent dominé par les exploiteurs. Comme elle a plus de 20 ans et un enfant à aimer, elle doit trouver le moyen de s’inventer une trajectoire durable ; les premiers pornographes professionnels lui font de l’œil.
Maggie Gyllenhaal, devenue rare depuis une dizaine d’années (si on excepte l’intéressante série d’espionnage british The Honourable Woman), incarne cette femme inoubliable dès son apparition. Le moindre des gestes de l’actrice joue à la fois la séduction, la mélancolie et les regrets, un mélange qui se régénère, s’épaissit au fil des heures. Maggie G. devrait ramener à la maison quelques statuettes pour récompenser sa composition exceptionnelle, mais ce n’est qu’un détail : un grand personnage est né.
The Deuce A partir du 11 septembre à 20 h 55 sur OCS City (Pilote déjà disponible sur OCS Go)
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