En scrutant la désagrégation d’une cellule familiale prise dans une tempête judiciaire, “Defending Jacob” offre à Chris Evans un rôle à contre-emploi et s’interroge sur l’irréductible part d’ombre qui persiste entre proches. (Spoilers)
En endossant le costume de Captain America pendant presque dix ans, Chris Evans a incarné le visage triomphant d’une nation sûre de ses principes et du bien-fondé de la fiction qu’elle défend. Le bouclier déposé, c’est à l’autre bout de l’échelle américaine, celui de la cellule familiale traditionnelle, qu’il en exprime aujourd’hui le cœur meurtri et en proie au doute.
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De l’enquête policière au drame familial
La tranquillité d’une petite ville du Massachusetts est troublée par le meurtre d’un adolescent de quatorze ans, dont le corps criblé de coups de couteau a été retrouvé dans un parc. Initialement chargé de l’enquête, le procureur Andy Barber en est dessaisi lorsque son fils Jacob en devient le suspect principal. Prêt à tout pour innocenter son garçon, il découvre des secrets qui vont ébranler ses convictions.
En portant à l’écran le roman de William Landay, le showrunner Mark Bomback et le réalisateur Morten Tyldum (The Imitation Game) avancent en terre fictionnelle connue, celle des communautés ébranlées par un crime sordide dont les contours troublent la géographie affective. Dépliée entre les rayons d’un faisceau d’indices et de révélations convenues (un couteau, une empreinte digitale ou un secret de famille), l’enquête policière se frotte à la machine judiciaire et au drame familial pour éprouver la solidité des liens entre les personnages.
Les limites de la fiction familiale
À mesure que les éléments à charge s’accumulent contre Jacob (Jaeden Martell, qui jouait déjà dans Midnight Special un enfant incapable de canaliser ses pulsions), ses parents voient l’inconditionnalité de l’amour qu’ils lui portent remise en question, et s’interrogent sur une possible histoire de la violence qui irriguerait leur famille. Et s’ils s’accrochent de toutes leurs forces aux émotions qui les lient, l’étrangeté grandissante de leur intimité crée une dissonance : alors que le monde bascule, qu’est-ce qui l’emportera, de l’instinct parental ou du sens de la justice ?
Plus que par la résolution de l’enquête (dont on ne révélera pas le teneur), cette série à la facture classique semble obsédée en creux par les limites de la fiction familiale, que les personnages sont censés embrasser sans arrière-pensée – quitte à se débarrasser de preuves accablantes, ou à mener une contre-enquête excédant les limites de la légalité. Comment en jouer la partition quand son harmonie fondamentale se désaccorde sous le poids des non-dits, et butte contre l’irréductible part d’ombre qui persiste entre les êtres, même les plus proches ? En admettant qu’on ne connaît jamais vraiment les gens qu’on aime, Defending Jacob double ainsi sa tempête judiciaire d’un vertige intime.
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Defending Jacob, de Mark Bomback, avec Chris Evans, Michelle Dockery, Jaeden Martell… Sur Apple TV +.
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