Dans ce remake hollywoodien de la série française “Platonique”, deux ami·es de jeunesse, en pleine “midlife crisis”, partagent une coloc pour affronter leurs nouvelles vies.
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Au printemps 2022 sortait une série française sur une coloc entre deux hétéros fraîchement célibataires, qui décidaient d’élever leurs enfants ensemble une semaine sur deux et s’employaient à ne pas tomber amoureux·ses. Son titre ? Platonique, que l’on peut toujours rattraper avec joie sur OCS. Certain de la force du titre, Hollywood n’a pas jugé bon d’en trouver un autre pour la création de Francesca Delbanco et Nicholas Stoller, réalisateur des belles romcoms Sans Sarah rien ne va ! et 5 ans de réflexion.
Le duo avait déjà créé la sympathique et bancale Friends from College (2017-2019) pour Netflix. Voici donc Platonic, qui raconte l’amitié forcenée entre Will, nouvellement divorcé, quadra vaguement adulescent, brasseur dans un bar – joué par Seth Rogen –, et Sylvia, femme au foyer qui en a marre de laisser sa carrière voire sa vie de côté pour s’occuper de sa famille – Rose Byrne, idéalement bourgeoise. Il et elle se sont perdu·es de vue, mais quand Sylvia remarque sur Insta que Will vient de divorcer, elle qui avait toujours détesté la femme de ce dernier décide de revenir dans sa vie.
L’amitié hommes et femmes façon romcom
C’est donc l’histoire d’une rencontre, ou plutôt d’une seconde rencontre. Un genre de “comédie du remariage”, mais qui concerne l’amitié. Pour les curieux·ses, l’expression a été inventée par le philosophe Stanley Cavell, qui pointait les comédies screwball des années 1930 et 1940, dont le motif narratif central était celui d’un couple se séparant pour se retrouver ensuite autour d’une vision plus égalitaire. Nous ne sommes pas exactement dans cette dynamique, mais pas si loin non plus. Cette période du cinéma a toujours infusé les films de Stoller. Avec Francesca Delbanco, la mission est en tout cas donnée d’appliquer les codes de la comédie romantique à l’amitié entre hommes et femmes.
Il existe donc une zone étrange où ces deux univers se croisent quand une solide amitié homme-femme est possible
Pour y parvenir, Platonic fait le portrait de deux mondes parallèles : celui des célibataires tardif·ves dans une grande ville, via le personnage de Seth Rogen, et celui des couples classiquement bourgeois, avec toutes les frustrations attenantes (“Mon Dieu, j’ai pas de deuxième salle de bains” étant la moins intéressante), à travers l’ex-avocate qu’interprète Rose Byrne. Il existe donc une zone étrange où ces deux univers se croisent quand une solide amitié homme-femme est possible. Il s’agit alors de scruter quelle réaction quasi chimique peut survenir.
La série se propose de saisir un certain dénuement urbain et générationnel. On sent même dans la tonalité de l’ensemble, qui relève pourtant de la comédie, une forme de sérieux sous-jacent. Il faut dire que le charme met un peu de temps à agir : même si on rit de bon cœur, quoique sans grande conviction, aux premières saillies dépressives de Will et à la nouvelle vie plus excitante et compliquée de Sylvia, tout cela manque de sens dans les premiers épisodes.
Des personnages accrochés à leur jeunesse
Il y a chez Stoller une légère paresse à croire qu’un humour né dans les années 2000, aux confins de la galaxie Apatow dont il fit partie, pourrait fonctionner tel quel aujourd’hui. C’est comme s’il mettait un certain temps à se saisir de son sujet, qui est tout autant le vieillissement de ses personnages, des quadras en pleine midlife crisis, que la difficulté à faire rire avec le même élan à la fois vachard, burlesque et référencé pop culture qu’il y a quinze ans.
Au bout du compte, Platonic décolle grâce à ses excellent·es acteur·rices, mais aussi à ces enjeux plus nets
Will et Sylvia ne cessent de se séparer, de se retrouver… autant de moments de diversion pour mettre en évidence des personnages qui s’accrochent à leur jeunesse sans pour autant fermer les yeux sur ce qu’ils sont devenus, donnant finalement à la série un vrai cachet. Stoller, qui réalise les dix épisodes, semble intégrer cette idée à sa réalisation : il ne fait jamais semblant de filmer comme aujourd’hui – son goût pour les scènes longues et statiques en atteste – tout en cherchant à saisir des gestes et des paroles de 2023.
Au bout du compte, Platonic décolle grâce à ses excellent·es acteur·rices, mais aussi à ces enjeux plus nets. Will et Sylvia frôlent la caricature mais progressent en réinventant constamment leur relation. Et dans un monde aussi cruel, une relation qui marche est déjà une grande victoire.
Platonic de Nicholas Stoller et Francesca Delbanco, avec Rose Byrne, Seth Rogen… Sur Apple TV+ (disponible sur MyCanal) depuis le 24 mai.
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