Un formidable quatuor d’actrices confronté à une situation a priori abracadabrantesque, par laquelle on se laisse porter avec délice.
Du côté des séries françaises, la deuxième partie de 2021 aura consacré des récits féminins portés par des épisodes d’une demi-heure. Un format longtemps ignoré dans l’Hexagone, alors qu’il permet l’expression de voix singulières depuis longtemps en Angleterre – de Fleabag à I May Destroy You – et aux États-Unis – Girls, exemplairement.
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Après Agnès Hurstel (Jeune et golri), Julie Delpy (On the Verge), Romane Bohringer (qui coécrit et réalise L’Amour flou en plus de jouer dedans) et ce mois-ci Blanche Gardin (La Meilleure Version de moi-même), Valérie Donzelli s’y colle avec sa première série, après cinq longs métrages.
La réalisatrice retrouve ici un ton de comédie bricolée inauguré avec La Reine des pommes il y a douze ans, même si la thématique d’alors, la rupture amoureuse, a laissé la place à un récit choral sur la maternité, la transmission et l’expérience féminine.
Un processus qui dérange
Un temps développé pour une autre chaine avec Catherine Deneuve, Nona et ses filles met finalement en haut de l’affiche une formidable Miou-Miou en mère de triplées (Clotilde Hesme, Virginie Ledoyen et Donzelli elle-même) tombant enceinte à l’âge de 70 ans.
Un pitch magique que les neuf épisodes s’emploient à restituer dans toute sa loufoquerie mais aussi sa portée politique : que se passe-t-il quand le corps d’une femme s’engage dans un processus qui dérange l’ordre des choses, pour elle-même mais surtout pour le reste du monde ?
Une tension entre la singularité d’un corps et la multitude qui l’entoure
Nona, pionnière du planning familial dans le quartier parisien de la Goutte d’Or où elle habite toujours, féministe affirmée depuis des décennies et libre amoureuse, se retrouve dans une situation qui remet tardivement au centre de sa vie son expérience de mère. En plus du fœtus qui grandit en elle, ses trois filles reviennent habiter à la maison pour l’entourer et rejouer en quelque sorte leur enfance.
Cette tension entre la singularité d’un corps et la multitude qui l’entoure se déploie à toute vitesse. La série passe d’une femme à l’autre en mode staccato, inventant très vite d’autres récits nostalgiques et affectifs. Ainsi le personnage de Virginie Ledoyen, troublé par un surgissement homoérotique, ou celui de Clotilde Hesme, bouleversée par une réalité longtemps refoulée.
Des figures masculines subtilement hors cadre
À cette ode aux actrices qui s’épanouit à travers son quatuor défendant bec et ongles un territoire de jeu, Nona et ses filles ajoute la présence douce et sexy d’un homme sage-femme, d’un scientifique sans le sou et d’un amoureux transi dans la force de l’âge, autant de figures masculines subtilement hors cadre.
Sans perdre de vue sa visée musicale dans le rythme et son désir permanent de couleurs, Donzelli (qui a écrit la série avec Clémence Madeleine-Perdrillat) parvient à tisser une trame émotionnelle assez heureuse, par moments bancale mais toujours prompte à se renouveler.
Signe que la série mérite bien plus que ses apparences un peu foutraques, la deuxième moitié de la saison se révélant plus tendue et plus forte que la première. On se met alors à croire aux miracles et à l’idée puissante que nos vies peuvent toujours se transformer.
Nona et ses filles de Valérie Donzelli, avec elle-même, Miou-Miou, Virginie Ledoyen, Clotilde Hesme. À partir du 2 décembre sur Arte et sur Arte.tv.
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