Cloak and Dagger met en scène deux ados dotés de superpouvoirs mais en proie au mal-être. Racisme, déchéance sociale : la série donne à voir les Etats-Unis comme une société malade
Adaptation du comics La Cape et l’Epée, Cloak and Dagger nous plonge dans les aventures de Tandy Bowen et Tyrone Johnson, deux adolescents victimes d’un accident qui leur confère des superpouvoirs : Tyrone a la capacité de créer une étrange cape d’obscurité qui lui permet de se téléporter tandis que Tandy peut faire jaillir des poignards de lumière de ses paumes. Si leurs superpouvoirs fonctionnent séparément, ceux-ci deviennent plus puissants lorsque les deux héros les associent.
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L’une des réussites de Cloak and Dagger est de se libérer totalement du comics. Son premier déplacement est d’ordre géographique. Au territoire de la capitale américaine surinvesti par le genre superhéroïque, la série substitue le décor de La Nouvelle-Orléans. Si on n’échappe pas aux clichés vaudous faits de cimetières embrumés et d’expériences ésotériques, ce nouvel espace est assez habilement mêlé à la mythologie des superhéros.
Le constat d’une Amérique troublée
Ce vent de fraîcheur se poursuit par un renversement des origines sociales des deux personnages principaux. Dans le comics, Tyrone empruntait au stéréotype du petit Black voleur tandis que Tandy était une fille de bonne famille abandonnée par sa mère. Ici, c’est quasiment l’inverse. Si Tandy a toujours de sérieux problèmes à régler avec sa mère, c’est elle qui vit de menus larcins tandis que Tyrone est celui qui vient d’une famille aisée.
En plus de prendre à rebours les clichés sur les Afro-Américains, la série dresse en creux le constat d’une Amérique troublée. Bavures policières exercées sur la communauté noire, climat de reconstruction post-Katrina, white trash sombrant dans la drogue et la pauvreté, aliénation du travail et déchéance sociale, les Etats-Unis y sont dépeints comme une zone d’une âpreté extrême, un territoire sombre et déclinant. La série nous donne à voir une société empoisonnée.
L’audace de se délester des scènes d’action
Ce venin civilisationnel se double d’une acuité à saisir le mal-être des deux personnages principaux. Les thématiques du récit coming of age (affranchissement par rapport aux parents, recherche de l’amour et découverte de la sexualité) sont abordées sur un plan onirique et résolument psychologique. En cela, Cloak and Dagger se rapproche des excellentes séries Legion et Jessica Jones, dont elle offre néanmoins une déclinaison plus sucrée, faible en plusieurs endroits (notamment dans une BO indigeste) et à destination d’un public jeune.
De Legion, on retrouve les visions de l’enfance traumatisée et les dimensions parallèles où se détricotent et se matérialisent les angoisses du réel tandis que, de Jessica Jones, on reconnaît cette appréhension du superpouvoir comme un fardeau introspectif plutôt que comme une puissance à exercer sur autrui. Enfin, l’absence de vrai méchant resserre la série sur l’histoire d’amour contrariée entre les deux adolescents, faisant du superpouvoir un élan vers l’autre plutôt qu’un ressort des scènes d’action, dont la série a par ailleurs l’audace de presque complètement se délester. Intrépide, délicate, Cloak and Dagger s’affirme malgré son air un peu fade comme la meilleure série de superados vue dernièrement. Bruno Deruisseau
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