Grandeur et décadence d’un groupe de rock. “Daisy Jones and The Six”, qui cartonne en ce moment sur Prime Video, suit l’itinéraire du groupe du même nom dans le Los Angeles psyché des années 1970.
Mi-mars, Aurora, premier album d’un groupe basé à Los Angeles, se hissait au sommet des charts, atteignant la première place du classement iTunes aux États-Unis. Jusque là, rien d’anormal.
À ceci près que les onze pistes de l’album fleurent bon les seventies et sont en réalité l’œuvre d’un groupe fictif, Daisy Jones and The Six, dont la fulgurante ascension et l’inévitable chute, dans la Californie des années 1970, font l’objet d’une série originale diffusée sur Prime Video. À l’écoute, l’album ressemble en tout point à la série dont il accompagne la promotion : une imitation fardée du rock des années 1970, appliquée mais inconsistante, qui évide ses inatteignables modèles de toute leur substance transgressive.
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Contrefaçon
Adapté d’un best-seller de Taylor Jenkins Reid paru en 2019, Daisy Jones and The Six promettait d’ausculter le rise and fall d’un groupe de rock californien dans les volutes du Flower Power, et “de capturer l’essence de la créativité dans le monde erratique et sauvage des années 1970” – dixit la promo. Hélas, la radiographie de la scène rock des seventies, qui recèle pourtant de la matière, ne dépasse jamais le stade de la contrefaçon, appliquée d’un point de vue cosmétique mais déchargée de la gravité qui, sous le glacis cool et décontracté d’un rêve hippie encore fumant, a vu l’extinction brutale de groupes météoriques, porteurs des psychoses d’un pays qu’ils voulaient transformer.
Jouant le jeu du faux docu musical, la série alterne entre deux temporalités : l’une dans les années 1970, où l’on suit la rencontre entre The Six, groupe originaire de Pittsburgh parti tenter sa chance à L.A., et Daisy Jones (Riley Keough), chanteuse prodige promise à un avenir radieux ; l’autre, des années plus tard, où les membres du groupe se remémorent, face caméra, les grands jalons et les petites anecdotes de leur fulgurante ascension et de leur inexorable chute.
Clichés et fantasmes
Semé de clichés dans lesquels elle se vautre goulûment – un leader éruptif tiraillé entre sa musique, sa vie de famille erratique et son penchant pour la drogue, une chanteuse éthérée, hybridation entre Joan Baez et Michelle Phillips et des musiciens qui font de la figuration –, la création de Scott Neustadter et Michael H. Weber encapsule en dix épisodes une imagerie falsifiée des années 1970, suffisamment édulcorée pour s’attirer un large public, mais conséquemment amputée de sa charge subversive. À l’image de la musique (bien réelle elle) que produit le groupe fictif, ersatz de rock revisité façon Disney Channel.
La reconstitution avait pourtant de l’allure : Los Angeles rajeuni de 50 ans, des costumes comme échappés d’un clip du Velvet Underground, des Volkswagen combi en pagaille, et un festival de postiches. Mais cette muséification trop soignée d’une époque fantasmée trahit l’incapacité des scénaristes à y incorporer de la vie, et la reconstitution prend rapidement des allures de mausolée.
Effleurant pudiquement les sujets indissociables à l’époque qu’elle chronique – l’amour libre, la drogue, la lente dissipation du rêve hippie –, la série n’offre finalement des années 1970 qu’une copie pasteurisée, une image figée sur papier glacé qui élude les tourments d’une décennie pourtant fascinante, pour n’en conserver que l’apparat chic.
Daisy Jones and The Six. Sur Prime Video.
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