Malgré un premier épisode plutôt réjouissant et un investissement sans faille de son auteur et interprète Pete Holmes, le deuxième volet de « Crashing », série pilotée par Judd Apatow, peine à convaincre.
Depuis longtemps maintenant, les séries ont trouvé dans le journal intime déguisé de l’autofiction, le parfait médium pour parler de soi, des autres et de son époque. En 2015, Aziz Ansari en a brillamment fait l’expérience en créant Master of None et en s’inventant un double fictionnel du nom de Dev. En scrutant les errances existentielles, amoureuses, identitaires et professionnelles de son personnage, apprenti comédien, naviguant dans les rues de Brooklyn et les intérieurs cosy de ses restaurants italiens, la série agrippait subtilement des problématiques existentielles connectées à l’ère 2.0.
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En février dernier, Crashing s’adonnait, elle aussi, au jeu de l’autoportrait romancé. Pilotée par le roi de la comédie Judd Apatow, la série HBO est surtout l’œuvre d’une nouvelle tête (en tout cas pour nous) : le comique Pete Holmes. Il raconte ici ses années de galérien « fauché » d’ancien inconnu, et campe, comme Ansari, son propre rôle, celui de Pete, un grand benêt à l’air hilare se rêvant roi du stand-up.
Dans sa première saison, Crashing suivait donc les tournoiements de ce parfait anti-héros, qui, après s’être fait larguer par sa femme, surprise au lit avec un maigrelet moustachu, se retrouvait catapulté dans les rues de New York à la recherche d’un bout de canap et d’une scène où balancer ses vannes. Au cours de ses pérégrinations, le garçon naïf croisait la route de tout le gratin du stand-up américain (T.J. Miller, Artie Lange ou encore Sarah Silverman) et devenait en un rien de temps le roi du squattage créchant dans des apparts plus luxueux les uns que les autres. Mais il faut bien avouer, que malgré tout l’entrain et la sincérité de son auteur, malgré son pitch et ses influences qui l’annonçaient comme un nouveau et réjouissant chapitre des aventures du trentenaire new-yorkais en crise (tendance Master of None donc mais aussi Louie, Girls…), Crashing, laissait un sentiment d’inachevé et les aventures de Pete peinaient à nous convaincre, nous émouvoir et même à nous faire rire. A tel point, qu’à part constater la donnée purement cathartique de l’entreprise, on avait du mal à en cerner ses véritables enjeux.
Et la saison 2 ?
Après la relative déception de cette première saison, le premier épisode de la nouvelle semblait annoncer une bonne surprise. On y retrouve le pataud Pete, qui a désormais posé bagage dans un garage aménagé en chambre d’ado et partage les pièces communes avec l’ancien amant de sa femme – un détail cocasse qui donne lieu à quelques discussions plutôt savoureuses sur la masculinité et ses clichés. Plus tard, lors d’une soirée dans le resto qui sert de Q.G au petit monde du stand-up qu’il côtoie, et après une conversation obscure avec un magicien, Pete doute de sa foi. Celui que l’on avait quitté en fervent chrétien évangéliste prêt à reconquérir son ex infidèle à la toute fin de la première saison, décide, pour la première fois de sa vie, semble-t-il, de faire la fête.
Grâce à un simple et efficace remède – mettre Pete dans le lit d’une fille – la deuxième saison de Crashing gagnait immédiatement en profondeur et en consistance, permettant enfin au personnage de se détacher de son image de vieux garçon immature. Mais ce baptême du feu sera de courte durée et très vite, la série retrouve son habituel ronronnement, avec quelques nouveautés peu notables : Pete a trouvé un job de vendeur de glaces, il continue à distribuer des flyers dans l’espoir de jouer quelques minutes le soir au Boston Comedy Club et côtoie toujours la star du cool Artie, plus toxico que jamais.
https://www.youtube.com/watch?v=LW5Qg1PypoM
Ni totalement périmée, ni d’actualité, Crashing est dans un permanent tâtonnement
Comme lors de la première saison, les micro-récits qui s’agrègent autour de Pete apparaissent comme des canevas narratifs ayant pour seule mission de faire, littéralement, avancer les interminables jambes de Pete dans les rues de New York. Cette saison 2 a quand même le mérite d’être intéressée davantage, par le monde qui l’entoure. A plusieurs reprises, la série aborde des sujets sociétaux ou d’actualité, comme lors du troisième épisode où elle interroge les limites du rire quand un humoriste, après qu’un fâcheux sketch a fuité sur Instagram, se voit taxer de misogyne. Malheureusement, tout semble glisser sur les épaules arrondies de Pete. Aucun de ces mini événements ne retient suffisamment l’attention et ne parvient à être autre chose qu’une banale et parfois un peu excentrique péripétie quotidienne.
On a souvent dit d’Aziz Ansari et de Lena Dunham qu’ils étaient les voix d’une certaine jeunesse branchée égratignant avec humour et subtilité le bon vieux rêve américain et ses recettes de réussites toutes faites. Si, évidemment, une série ne doit pas être inévitablement l’échantillon de son époque, c’est sans nul doute le propre de tout récit, que de faire des questionnements narcissiques de son héros des sujets à portée universelle. C’est sur ce point-là que Pete Holmes, lui, bute en touche. Ni totalement périmé, ni d’actualité, Pete est, à l’image de Crashing : dans un permanent tâtonnement.
Tout au long de la série, on ne cessera de dire du comédien en herbe qu’il deviendra un « bon humoriste d’ici trois ans » ou tout bonnement qu’il ne le sera jamais. Une prédiction que l’on peut, sans nul doute, appliquer à la série toute entière.
Crashing saison 2 dès le 15 janvier sur OCS City
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