Le réalisateur de “Drive” et “The Neon Demon” revient avec une série aux allures de long film noir, qu’on traverse comme un rêve.
De Too Old to Die Young, sa première série sortie en 2019 sur Prime Video, Nicolas Winding Refn disait, non sans une pointe de sarcasme, qu’elle était “un long film”, réactualisant l’insoluble débat terminologique sur la distinction entre séries et cinéma, rendu trouble par deux décennies de télévision scrutant sans complexe le grand écran.
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Ce n’est pas sa nouvelle série, cette fois sous pavillon Netflix – un long trip hallucinatoire aux allures de (très) long métrage découpé en six épisodes de 52 minutes – qui fera revoir sa copie au réalisateur de Drive, habitué aux formules sentencieuses, et peu enclin à raviver un débat qui ne l’intéresse finalement pas.
Un film en série
Il faudra ainsi prendre Copenhagen Cowboy pour ce qu’elle est : un long film divisé en six parties. On y suit Miu (Angela Bundalovic), mystérieuse jeune femme invariablement affublé d’un survêtement bleu, dont on ne sait rien sinon que certains lui prêtent des facultés surnaturelles. Par un concours de circonstances autant qu’une brumeuse quête de vengeance, Miu va traverser telle une apparition le monde criminel et les bas-fonds de Copenhague, croisant sur sa route gangsters impavides et prostituées
rudoyées.
De Copenhague, on ne voit longtemps qu’un espace liminaire, une périphérie fantasmagorique figée en trois lieux : un bordel de campagne délabré où de jeunes femmes sont esclaves, un restaurant chinois routier où des cadavres sont engloutis par des porcs et un château abritant une famille d’éleveurs porcins pour le moins inquiétante. Trois lieux comme trois instances d’un long rêve (ou plutôt un cauchemar) éveillé. Avec un sens de l’énigme et du mystère, Refn déroule son récit labyrinthique en laissant libre cours à son formalisme patenté et ses velléités de plasticien de la pellicule.
Il est question dans Copenhagen Cowboy de traite des femmes, de prostitution confinant à de l’esclavage, d’hommes semblables à des porcs (très littéralement), et d’une mafia patriarcale aux méthodes abominables. Comme à son habitude, Refn sonde les bas-fonds de l’humanité pour venir racler la monstruosité qui y larve, et transmute cette odyssée ultra violente en expérience sensorielle et atmosphérique.
Entre grâce et lourdeur
Toute la panoplie du cinéaste est déployée : lumières ultra esthétisées, cadrages sursignifiants, festival de néons, electro tantôt bruitiste tantôt maximaliste signée Peter Peter et Cliff Martinez, acteur·ices aux
expressions figées telles des statues de cire… Partisans et détracteurs du réalisateur ne devraient pas
changer de cap à la vision de cette série qui porte à incandescence le style Refn, autant par la radicalité
de son récit volontairement parcellaire que par sa durée fortement gonflée.
Pour notre part, on a tantôt été médusé par cette série qu’on traverse comme un rêve, et notamment ses quatre premiers épisodes et leur inquiétante étrangeté, tantôt agacé par les effets de manche d’un cinéaste qui encapsule son propre style avec trop de facilités. C’est que Copenhagen Cowboy est à l’image de la filmographie de son géniteur, traversée de fulgurances et par moments envoûtante, mais aussi sèche et pompeuse.
À l’heure où Netflix surprime à la chaîne des séries en développement faute d’audiences satisfaisantes, et
voit plus que jamais ses choix éditoriaux dictés par les chiffres ou la hype sur les réseaux sociaux, on
saura gré à un ovni comme Copenhagen Cowboy de pervertir quelque peu les entrailles algorithmiques
du géant du streaming. Même si on se doute que ce sont moins les audiences que le prestige qui ont
poussé Netflix à signer NWR, dont les trois lettres, comme un sigle, sont désormais devenues une marque.
Copenhagen Cowboy de Nicolas Winding Refn. Sur Netflix.
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