Adaptée d’un roman de Todd Grimson, la nouvelle série horrifique de Netflix met en scène Rosa Salazar et Catherine Keener dans les bas-fonds d’Hollywood.
Dans la torpeur de fin d’été, un petit shoot d’excitation pulp ne peut que faire du bien. L’aventure Brand New Cherry Flavor a quelque chose de frais et de bizarre, ne serait-ce que par le CV de sa créatrice et son créateur, Lenore Zion et Nick Antosca. Seul ce dernier avait déjà imaginé une série, l’horrifique Channel Zero (2016-2018).
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Sa comparse avait bossé comme scénariste dans diverses salles d’écriture, comme celle de Billions, mais le saut en avant que constitue une production Netflix lance le duo dans le grand monde. Un grand monde, cela dit, qu’il et elle respectent à peine : les huit épisodes de ce joli foutoir référentiel et flippant et drôle qu’est Brand New Cherry Flavor prouvent qu’une petite singularité reste possible dans le grand flux des plateformes, que tous les Lupin passés et à venir n’effaceront jamais complètement le désir d’une poignée de sales gosses.
Adaptée d’un roman de Todd Grimson, la série commence sous la forme d’un hommage un peu tordu à Mulholland Drive – oui, c’est possible – à la différence près que l’héroïne n’est pas comédienne, mais réalisatrice. Au début des années 90, Lisa Nova débarque à Hollywood avec son court-métrage d’étudiante en poche et l’envie de transformer l’essai pour passer au long-métrage. Elle rencontre un producteur sur le retour, Lou Burke, qui s’intéresse à son talent mais coche presque aussitôt toutes les cases du combo peu reluisant des hommes puissants : il essaie de coucher avec elle et dans la foulée lui pique son idée, à partir du moment où non seulement elle se refuse à lui, mais laisse aussi transparaître son refus de toute compromission avec le système. Lisa veut réaliser elle-même son film et ce n’est pas envisageable pour lui.
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Body horror
Cette exploration des bas-fonds plus ou moins glauques et plus ou moins clinquants d’Hollywood, Brand New Cherry Flavor la déploie au départ avec une précision dans le ton et un sens de la satire réjouissants. Avant d’avancer en terre inconnue. Il va être question très vite pour Lisa Nova de récupérer son bien et d’assouvir sa soif de vengeance, ce que la série rend possible en changeant littéralement de genre. Catherine Keener (Being John Malkovich, entre autres) entre alors en scène dans la peau de Boro, une sorcière qui gère une poignée de morts-vivants comme des animaux de compagnie. Lisa Nova croise sa route alors qu’elle n’a qu’une idée en tête, une obsession : faire manger son pain noir à Lou Burke en lui jetant un sort. Lisa et Boro s’associent et la jeune femme connaît alors une étrange expérience corporelle. Elle met au monde des chatons par la bouche… Et pourquoi pas ?
Le body horror croise finalement la satire du milieu du cinéma, une superposition que la série maîtrise jusqu’à un certain point. Après deux épisodes, Brand New Cherry Flavor peine à réellement faire avancer le récit, plutôt occupée à mettre en avant l’étrangeté de ses personnages sans vraiment nous attacher à elles et eux, sauf par intermittence. Il faut un peu de temps pour s’y faire, mais une fois acceptée l’idée du courant alternatif, on prend un certain plaisir à observer ce jeu de massacre et de références.
Dans le réjouissant épisode 4, une référence directe à eXistenZ (1999), le film de Cronenberg, coupe le souffle : le petit ami de Lisa pénètre avec le poing un nouvel orifice apparu sur le côté du ventre de la jeune femme. Les plans sont frontaux, le moment résolument provocant et en phase avec le discours de la série, qui lie la créativité de son héroïne à ses expériences physiques. Et va très loin.
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Limited série
Dans ce rôle complexe de vingtenaire à la fois sûre d’elle et en totale panique devant la cruauté du monde, l’actrice Rosa Salazar fait office de révélation. L’Américaine a pourtant 36 ans et une carrière variée derrière-elle (Parenthood, American Horror Story notamment) mais elle trouve ici un écrin fabuleux pour exprimer sa profondeur et sa liberté, son sens de l’engagement qui donne une intensité aux scènes qu’elle traverse. La parodie se double constamment d’enjeux intimes pour son personnage, grâce à sa manière de ne jamais céder au second degré. Avec Catherine Keener, elles forment un duo assez irrésistible qui donne envie d’en voir encore plus. Ce qui n’est pas gagné.
Comme beaucoup de séries actuelles, Brand New Cherry Flavor a été conçue comme une histoire fermée, pour des raisons artistiques peut-être, mais sans doute aussi pour que Netflix n’ait pas à couper les vivres prématurément en cas d’insuccès. Étant donné le buzz rouge sang provoqué par cette surprise d’août, on imagine tout de même l’annonce prochaine d’un renouvellement. Avec ou sans les chatons dégueulasses, mais mignons.
Brand New Cherry Flavor de Nick Antosca et Lenore Zion. Sur Netflix.
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