A l’heure où de nombreux cinéastes français, de Rebecca Zlotowski (“Les Sauvages”) à Eric Rochant (“Le Bureau des légendes”), se frottent à la série, Christophe Honoré nous explique son faible désir à investir ce territoire.
As-tu déjà été sollicité pour réaliser une série ?
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Je ne suis pas sûr que les cinéastes soient les bonnes personnes pour réussir de bonnes séries. Il y a quelque chose de spécifique dans la production d’une série, de l’écriture au montage, qui me semble aller à l’encontre de l’ADN d’un cinéma d’auteur français dans lequel j’aime travailler. Quelles que soient la force et la valeur de certains sujets, on parle quand même d’un travail à la chaîne autour d’un produit.
Récemment, je discutais avec Benjamin Biolay, qui tourne la série initiée par Damien Chazelle (The Eddy pour Netlix – ndlr). Il me disait la difficulté qu’il avait à être dirigé après quelques épisodes par une réalisatrice qui n’était plus Damien Chazelle, lequel l’avait contacté et choisi lors du casting, puis dirigé dans un premier temps. Je serais incapable de confier les comédiens et les comédiennes à d’autres… Ce n’est pas un jugement que je porte, mais ce système vient buter contre mon idée d’un cinéma à la première personne.
Si tu avais toute liberté, quel serait ton fantasme ?
En ce moment, je travaille sur une adaptation théâtrale du troisième tome d’A la recherche du temps perdu de Proust, Le Côté de Guermantes. Je me dis que s’il y a un endroit aujourd’hui où on pourrait essayer d’envisager une représentation intégrale de La Recherche, ce serait dans la série. Idéalement, chaque tome de Proust pourrait devenir une saison de huit épisodes qu’on ferait sur une dizaine d’années avec des acteurs qui vieillissent. On s’accorderait absolument au récit proustien, en travaillant sur la mémoire de la série elle-même.
Chaque tome de Proust pourrait devenir une saison de huit épisodes qu’on ferait sur une dizaine d’années avec des acteurs qui vieillissent
La force de frappe culturelle des séries te pose un souci ?
On est vite noyé dans les séries : elles sont nombreuses et pour certaines semblent sans fin. Or, la profusion est quand même toujours de l’ordre d’une domination. Je trouve que la série domine son spectateur, contrairement à ce que peut être le cinéma pour moi. Son principe est de réduire le spectateur à une place d’enfant qui aurait absolument besoin d’elle. Cette infantilisation existe aussi dans le cinéma, mais la série fonctionne vraiment sur une frustration, un inassouvi.
As-tu l’impression que les séries grignotent le territoire du cinéma ?
Je n’ai jamais pensé à une série en mettant en scène un de mes films. Donc, symboliquement, du point de vue de l’imaginaire, non. Mais en tant qu’acteur de l’industrie du cinéma, il est impossible de ne pas regarder la série comme menaçant le territoire du cinéma. On voit bien que, depuis quelques années, les séries créent plus l’événement. Aux yeux d’une majorité de spectateurs, il s’agit d’un monde plus excitant et novateur.
J’ai envie de lutter au sein du cinéma pour le rendre excitant et novateur. Je préfère résister à la série que m’y allier
Moi, j’ai un petit côté peut-être inutilement résistant : j’ai envie de lutter au sein du cinéma pour le rendre excitant et novateur. Je préfère résister à la série que m’y allier. Quand je vois les plates-formes et leur danse de petite séduction envers les cinéastes, j’ai l’impression que certains confondent les pyromanes et les pompiers. Je suis très heureux que le Festival de Cannes résiste à Netflix, cela me semble essentiel. C’est une bataille à mener maintenant.
Quelles séries as-tu aimé ?
Je suis toujours surpris du charme obstinément absent des séries françaises à mes yeux. La seule que j’ai vraiment suivie du début à la fin, c’est Ainsi soient-ils sur Arte. Dans son austérité et sa modestie, je la trouvais attachante.
https://youtu.be/CB2JHazYmPc
Je pense que j’ai découvert ce qu’est une série devant Friends en VHS et A la Maison-Blanche. Dans les productions plus récentes, j’aime bien Sex Education, la série gay australienne Please Like Me… J’ai aussi aimé la première saison de The OA. Et il y a quelques années, j’avais été très impressionné par Friday Night Lights.
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