Portée par l’excellent Abdelhafid Metalsi, la série policière de France 2 laisse imaginer que les productions populaires françaises s’améliorent. Jusqu’à quel point ?
Longtemps, aimer les séries françaises grand public revenait à traquer les très rares exceptions dans une production maussade et attendue, pour rester poli. On se demandait pourquoi les autres, l’Angleterre ou l’Amérique surtout, parvenaient si facilement à cumuler popularité et qualité minimale.On attendait notre Urgences.
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Mais notre Urgences ne venait pas. Notre Dr House non plus, d’ailleurs. Et du temps a passé, nos complaintes se sont dissipées, peut-être par lassitude. Puis quelque chose dans l’air a changé, sans qu’on s’y attende vraiment. Aujourd’hui, rester figé dans le mépris n’a plus vraiment de sens. Non seulement le concept de série populaire s’effrite dans le monde anglo-saxon et notamment à Hollywood (le public, comme partout, s’est éparpillé à travers de multiples niches), mais le niveau des productions frenchies connaît un petit frémissement.
L’exigence a monté d’un cran partout
Alors qu’une poignée de séries d’auteur ont fait leur apparition, des Revenants à Ainsi soient-ils, l’exigence a monté d’un cran partout ailleurs, comme à la suite d’une onde de choc. Sur le service public, Dix pour cent est née de cette manière. Il était vraiment temps.
Bien sûr, tout n’est pas gagné – Joséphine, ange gardien reste la série française la plus regardée. La fiction old school aux dialogues gênants et aux éclairages lisses a encore de beaux jours devant elle – Plus belle la vie, dans un registre beaucoup plus intéressant car en phase avec les mutations de la société, le confirme chaque soir. Mais des solutions hybrides existent. Prenons Cherif.
Public très large
Tous les vendredis, cette semi-comédie policière rassemble sur France 2 un public très large (plus de quatre millions de personnes en moyenne, en progression constante) avec comme héros un type pas tout à fait dans les clous.
Après avoir interrogé un enfant témoin d’un meurtre, Kader Cherif (séduisant Abdelhafid Metalsi) expliquait dans l’une de ses premières apparitions avoir réussi à trouver les mots pour le calmer en se souvenant de “Kojak, saison 1, épisode 1”. Dans la troisième saison en cours de diffusion, un acteur infiltré dans son commissariat lyonnais pour travailler un rôle lui demande : “C’est quoi ton trauma ? Tous les flics ont un trauma.”
Pop culture amusée et amusante
L’intéressé répond par une pirouette en avouant qu’il sourit tout le temps et que ça en énerve certains. Ce n’est pas faux. Mais c’est aussi une façon de situer son personnage sur une autre échelle que celle des flics télé ordinaires. Cherif a un peu trop regardé le petit écran durant son adolescence et il aime en faire profiter tout le monde. En plus de Kojak, il est capable de citer Columbo, Clair de lune, Magnum et même NYPD Blue. Comment ne pas l’aimer au moins un peu ?
L’auteur principal de la série, Lionel Olenga, a donc réussi à imposer en prime-time sur le service public une série “méta”, puisant dans une pop culture amusée et amusante. C’est déjà quelque chose, même si le niveau de sophistication de certains bijoux US ultraréférencés n’est pas atteint. Le personnage principal n’a pas non plus la folie géniale de certains de ses ancêtres barrés, comme l’imprévisible Adrian Monk et ses mémorables “tocs”, dans la série qui portait son nom – huit saisons entre 2002 et 2009, à voir absolument.
Appel d’air
Mais au moins, dans ce dédale d’enquêtes totalement convenues et de sentiments un peu trop mignons pour être honnêtes que propose la série, un léger pas de côté a lieu. Comme un appel d’air. Cherif donne de l’espoir, pas à pas. Les séries populaires françaises repoussent lentement le soleil noir de la déprime.
Cherif saison 3, tous les vendredis, 20 h 50, France 2. Prochainement en DVD
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