Avec « Catastrophe » et « Cucumber », l’audacieuse chaîne publique britannique Channel 4 lance son année sur les chapeaux de roue.
Vu de France, les premiers émois sériephiles procurés par Channel 4 ont concerné la comédie bizarrement irrésistible Father Ted (1995-1998), et ce n’était pas seulement à cause de la musique composée par The Divine Comedy. La chaîne publique britannique fondée en 1982 – et sa filiale E4, destinée aux 15-34 ans, apparue dix-neuf ans plus tard – dessine depuis son arrivée une trajectoire cohérente et majeure dans le paysage contemporain, suivant à sa manière la révolution du genre initiée aux Etats-Unis.
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On l’a crue un moment en énorme baisse de régime, dans l’ombre de ses grandes sœurs et néanmoins concurrentes, la BBC et ITV. Mais les faits sont là. Des geeks de The IT Crowd aux gangsters post-The Wire de l’incroyable Top Boy, en passant par la famille perturbée de Shameless, la folie d’Utopia, sans compter Misfits, Skins et My Mad Fat Diary (sur E4), des séries marquantes sont nées grâce à cette tête chercheuse unique en Europe. Sur son territoire, la chaîne joue le rôle qu’a voulu tenir en France Canal+ pendant des années (Les Revenants y a d’ailleurs été diffusée en prime time) et qu’aujourd’hui Arte prend davantage à son compte.
“Nous sommes là pour faire ce que les autres ne font pas »
La fiction comme terre d’innovation a toujours été un point fort de la télévision anglaise, ce que les patrons des départements drame et comédie de Channel 4, Piers Wenger et Phil Clarke, appliquent toujours en faisant appel à des personnalités décalées et/ou sans expérience particulière. Le premier expliquait récemment à Digital Spy sa philosophie :
“Nous sommes là pour faire ce que les autres ne font pas. Bien sûr, un jeudi soir, les téléspectateurs peuvent tomber chez nous sur une série policière ou un thriller nordique, mais nos séries se doivent d’être plus audacieuses dans le ton.”
Ces dernières semaines, Channel 4 a enregistré le retour d’une star de la maison (et de la télé made in UK en général) en la personne de Russell T. Davies. Le Gallois de 51 ans, créateur de la mythique Queer as Folk (1999-2000), est passé lors de la dernière décennie par la case Doctor Who – un monument de la série anglaise –, s’affirmant comme le scénariste le plus en vue du royaume avec Steven Moffat.
Cucumber et Catastrophe
Il retrouve sa chaîne-cocon avec Cucumber, drame gay sur des quadras en pleins tourments sexuels et affectifs. Un genre de post-scriptum à Queer as Folk qui s’impose déjà comme l’une des plus belles séries de 2015. Le seul petit hic pour l’instant, c’est que Cucumber n’attire pas les foules, à peine plus d’un million de personnes. Mais qui s’en soucie vraiment à Channel 4 ? Jusqu’à un certain point, personne. La dernière comédie diffusée depuis la fin du mois de janvier le prouve.
Catastrophe ne fait à peu près aucune concession aux rires gras et se situe dans la lignée des sitcoms dépressives dont Louie constitue l’inaccessible figure de proue. Créée et interprétée par Sharon Horgan et Rob Delaney (une Irlandaise aux faux airs de Connie Britton, l’actrice de Friday Night Lights ; un Américain star de Twitter et du stand-up), la série étudie avec distance et drôlerie la rencontre de ce duo un peu fatigué par la quarantaine. Ces êtres sans attaches s’attachent presque malgré eux, puisque tout leur arrive en même temps : la rencontre, la baise, l’enfant, et peut-être bientôt le mariage. “Je n’arrête pas d’être très excitée et très déprimée simultanément”, dit-elle. De l’autre côté de l’écran, nous apprenons à les connaître au même rythme qu’eux se touchent. Une énergie se crée, celle des séries qui nous accrochent le cœur.
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