Deux des plus vieilles séries de la chaîne américaine Showtime ont repris dans l’indifférence quasi-générale, prises au piège de leur propre concept et incapable de se renouveler.
Le dimanche 13 avril dernier, pas moins de trois séries ont repris sur les ondes du câble américain. Si les puristes n’avaient d’yeux que pour Mad Men, deux autres programmes ont fait leur grand retour sur Showtime : Californication (saison 7) et Nurse Jackie (saison 6).
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Deux séries phares qui ont marqué l’identité de la chaîne câblée au milieu des années 2000, alors qu’elle développait ses désormais célèbres dramédies, mélange subtil mais parfois périlleux de dureté et d’habile autodérision.
Deux séries phares qui se retrouvent aujourd’hui confrontées au même problème : régresser au lieu d’avancer. A la fin de la saison 5, l’infirmière junkie qu’incarne Edie Falco avec toujours autant d’intensité retombait dans la drogue pour « célébrer » un an (et une saison) de difficile sobriété. De quoi relancer la série pour une nouvelle année, mais pas sans éviter le plus gros piège tendu par le concept sur laquelle elle repose : retomber infiniment dans la même mécanique.
Reculer pour ne pas avancer
Jackie Peyton est une « addict ». Alcool, cocaïne, xanax, morphine, tout est bon pour assouvir ses pulsions. L’ironie de la situation est criante : une infirmière modèle qui se drogue entre deux patients avait tout pour attirer le téléspectateur à ses débuts en 2009. Les deux premières saisons servaient à poser l’histoire, les deux suivantes à éventer le secret de la « nurse junkie », et la cinquième à montrer son combat pour rester sobre. Cette sixième saison s’ouvre pourtant sur un amer retour en arrière : on retrouve Jackie, toujours infirmière, toujours mère imparfaite, qui chercher à nouveau à cacher son addiction à ses proches.
https://www.youtube.com/watch?v=R99mwmHaRr0
On revient en 2009, à ceci près que les personnages qui l’entourent ne sont plus drôles et n’arrivent plus à offrir de nouvelles intrigues intéressantes. L’impression dérangeante que la machine tourne à vide, sur un concept usé jusqu’à la corde. Même Merritt Wever, tout juste sacrée meilleure actrice dans un second rôle dans une comédie aux Emmy Awards de 2013, est noyée par un flot de figurants, comme s’il s’agissait de rendre les personnages le plus fade possible pour que Jackie paraisse encore un minimum fascinante.
Pas de transgression dans la répétition
Voilà un phénomène qui n’a pas non plus épargné Californication et ses sept saisons plus redondantes qu’un JT de Jean-Pierre Pernaud. Qui eut cru que des scènes de levrette saupoudrées de coke seraient un jour considérées comme ennuyeuses et répétitives ? C’est pourtant ce que semble indiquer ce terne début de saison 7 : un retour en arrière constant vers ce qu’étaient les premières années de Californication, la nouveauté et l’excitation en moins.
https://www.youtube.com/watch?v=EvM4lADJz3o
Tout ce que la comédie dramatique avait de transgressif et de comique s’est estompé au fur et à mesure que les scénaristes ont rabâché, presque mot pour mot, presque scène pour scène, les mêmes histoires. On retrouve, pour la septième fois, Hank Moody esseulé, essayant d’emprunter le « droit chemin » (un travail stable, une relation amoureuse épanouissante) mais trop tenté par le chaos pour s’y tenir. Le hic : ce chaos n’a plus rien d’attirant, et le téléspectateur a du mal à comprendre pourquoi il s’y jette encore à corps perdu.
Combien de fois doit-on encore voir Hank Moody professer son amour à Karen et se faire rejeter à cause d’un événement inattendu directement lié à son passé de dépravé ? Combien de nouvelles mannequins aux jambes interminables croiseront encore la route de l’écrivain maudit enclin à l’autodestruction ? Il n’y a pas que le visage de David Duchovny qui prenne des rides. Californication tourne en rond comme le poisson dans le bocal d’une pub Ikéa, et on ne peut que se demander pourquoi Showtime a mis tellement de temps avant d’y mettre fin (cette saison 7 sera la dernière). De son côté, Nurse Jackie vient d’être renouvelée pour une septième saison, alors que la sixième vient à peine de débuter dans l’indifférence quasi générale. Les voix des chaînes câblées sont parfois impénétrables.
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