Ambitieuse série policière écrite par un ancien de « Doctor Who » et révélation de ces derniers mois, « Broadchurch » arrive sur France 2 avant d’envahir le monde.
Encore une ! Après The Killing et Bron/Broen, voici une nouvelle série policière embarquée dans un tour du monde de l’adulation, frappée du sceau flatteur de phénomène partout où elle passe. Depuis sa première diffusion l’année dernière dans son pays d’origine, l’Angleterre – elle a fait un carton sur la chaîne privée ITV –, Broadchurch s’est transformée en mot de passe pour sériephile informé. Et en possible poule aux oeufs d’or pour les chaînes, qui n’ont pas attendu très longtemps avant de diffuser la série et/ou d’en prévoir le remake. Aux Etats-Unis, Broadchurch deviendra dans les prochains mois Gracepoint pour la chaîne Fox, avec bizarrement le même acteur que dans la version anglaise (le très magnétique David Tennant, ex-Doctor Who) ainsi que la rescapée de Breaking Bad Anna Gunn. Le revenant Nick Nolte fera également partie du casting. France 2, quant à elle, envisage sa propre relecture à la mode française, actuellement en cours de développement. Mais la chaîne diffuse d’abord l’originale, peut-être comme un test. Inutile de faire la moue ou de déplorer le manque d’inventivité de notre télévision publique : l’arrivée de Broadchurch en prime time sur une chaîne mainstream remonte le niveau général. C’est déjà beaucoup. Il serait pourtant exagéré de parler de révolution.
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Broadchurch raconte une histoire déjà vue ailleurs, celle d’un meurtre aux contours mystérieux qu’il faudra toute une saison (et donc huit épisodes) pour démêler. La victime est un garçon de 11 ans, découvert sur une plage. Ses parents, sa soeur et sa grand-mère le pleurent, voisins et amis restent sous le choc. Bientôt, tout le monde est au courant dans un périmètre de quelques kilomètres, et le temps de l’enquête se superpose à celui du deuil. Nous sommes dans une petite ville côtière du sud de l’Angleterre, avec ses 15 000 habitants, ses larges falaises à pic et pas mal de secrets. Twin Peaks, quand tu nous tiens ? Même si elle n’a pas grand-chose à voir du point de vue formel avec son aînée américaine des années 90, la principale force de Broadchurch tient à son exploration minutieuse d’un territoire à la fois ouvert aux vents et renfermé sur lui-même. Des visages étranges apparaissent au détour des rues, des vies insoupçonnables se révèlent. La caméra découpe cet espace toujours plus oppressant sans en rajouter. Chris Chibnall, un ancien de Doctor Who et de son spin-off Torchwood, pourrait bien s’affirmer avec Steven Moffat (Sherlock) comme la nouvelle star des scénaristes anglais. L’attractivité de son travail tient ici à un faux paradoxe : il réussit beaucoup avec peu d’effets de manche.
A l’heure où la mode est parfois aux séries s’enorgueillissant d’un concept ambitieux voire emberlificoté (le fameux high concept hérité du Hollywood des années 80) qu’elles finissent par traiter de la manière la plus banale qui soit, Broadchurch fait exactement le contraire. Elle repose sur une idée d’une simplicité absolue, mais elle la fait fructifier avec une complexité de plus en plus palpable au fil des épisodes. Les peaux mortes du récit s’arrachent naturellement sous nos yeux, sans que la mécanique de précision des scénarios ne devienne étouffante. On admire la prestance et le mystère de Broadchurch, sans oublier les deux piliers de son casting impeccable, comme très souvent quand il s’agit de séries made in England. Le duo de flics formé par l’Ecossais David Tennant et l’ancienne habituée aux seconds rôles Olivia Colman transpire la mélancolie et l’humanité.
Olivier Joyard
Broadchurch à partir du 17 février, 20 h 40, France 2. DVD et Blu-Ray (France Televisions) le 13 mars
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