Pour sa quatrième et dernière saison, la série policière de Canal+ tente une résolution pour ses personnages de flics corrompus.
Deux ans après Mafiosa, l’une des rares séries françaises (avec l’excellente Ainsi soient-ils) à avoir proposé à ses spectateurs une conclusion assumée et travaillée, sans faute de goût ni crash esthétique, voici venu le temps des derniers épisodes de Braquo.
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Le bon moment pour se souvenir que dans un monde idéal, les fins de séries peuvent être vues pour elles-mêmes, comme des entités à part, des moments narratifs singuliers. Souvent, les sériephiles lassés reviennent le temps du dernier tour de piste, histoire de vérifier des sensations anciennes ou d’en ressentir de nouvelles. Une occupation amoureuse comme une autre.
De Braquo la série, quatre saisons et trente-deux épisodes bien tassés, on dira honnêtement que l’on ne gardera pas que des souvenirs exaltants. Apparue en 2009 sur les antennes de Canal+, cette création d’Olivier Marchal consacrée à une équipe de flics aux méthodes contestables ne promettait en rien de subvertir le genre policier, simplement de le plier au trio d’obsessions de son auteur : la masculinité, la culpabilité, l’ambiguïté morale.
Une certaine efficacité et un sens de l’action jusqu’au-boutiste
Un programme du XXe siècle souligné le plus abruptement possible, dans un univers sans grandes nuances de couleurs ou de genre, mis en scène à l’énergie et en criant très fort. Même reprise en main scénaristiquement parlant par Abdel Raouf Dafri (coauteur d’Un prophète de Jacques Audiard) à partir de la deuxième saison, Braquo est restée une série brutale, un défilé de blousons de cuir et de tronches cassées, de sueur et de problèmes de bites. On est en droit de préférer la plus ample et plus mélodieuse Engrenages, sa fausse jumelle, dont on attend la sixième saison l’an prochain.
Braquo a eu pour elle une certaine efficacité et un sens de l’action jusqu’au-boutiste qui pouvait séduire. Elle promettait surtout un univers sombre et sans issue, une atmosphère de fin de règne perpétuel qui suscite aujourd’hui la curiosité par rapport à sa conclusion.
Nous y sommes donc et le dernier épisode s’appelle “Jusqu’au bout et jusqu’à la fin”. C’est une tradition des finales, comme les appellent les Américains, plus latinistes que nous : le dernier épisode d’une série parle presque systématiquement de la disparition et de la mort, concrètement et métaphoriquement.
Une fin sans émotion mais cohérente
Sans dévoiler le destin ultime d’Eddy Caplan (Jean-Hughes Anglade), de Walter Morlighem (Joseph Malerba), de Roxane Delgado (Karole Rocher) et de quelques autres, on dira que la joie ne figure pas à leur programme. Embringués dans des affaires de corruption et de règlements de comptes toutes plus tordues les unes que les autres, ils savent que la noirceur vaincra d’une manière ou d’une autre.
Concernant les personnages de salauds qu’on aime quand même (plus communément appelés antihéros), les séries récentes nous ont offert quelques solutions de fin. Il y a eu l’option The Shield où le héros, un flic corrompu, termine (attention, spoiler) les fesses dans un bureau, et dans un purgatoire moral qu’il a largement mérité.
On connaît l’option Breaking Bad où le prof de chimie devenu dealer finit quand même (attention, nouveau spoiler) par décéder devant la caméra qui s’envole en surplomb. La troisième variante concerne Les Soprano où le sens se dérobe au spectateur laissé dans le noir.
Sans dévoiler l’intrigue en détail, Braquo se rapproche de l’une des trois options. Sa fin provoque peu d’émotion (mis à part un beau monologue de Jean-Hugues Anglade en milieu de dernier épisode), mais elle a le mérite de la cohérence. Certaines sorties marquent leur époque. Celle-ci marquera ceux qui sont restés jusqu’au bout de l’aventure. C’est déjà quelque chose. Olivier Joyard
Braquo, saison 4 à partir du 12 septembre, 20 h 55, Canal+. Disponible en intégralité sur le replay
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