La troisième saison de la brillante série politique danoise « Borgen » est aussi la dernière. Une héritière d’ »A la Maison Blanche » digne jusqu’au bout.
Trois saisons de dix épisodes et pas une minute de plus, à peine le temps d’un vrai mandat politique : ainsi aura duré le règne de Borgen. Quand certains se demandent comment ne pas étirer inutilement les séries pour des raisons strictement commerciales (la liste est longue de celles qui sont restées à l’antenne deux fois trop longtemps – hello Dexter), la création made in Denmark d’Adam Price a choisi elle-même de se limiter dans le temps, pour ne pas s’épuiser, et nous avec. Il y a quelques mois, l’une des fictions les plus regardées depuis l’arrivée de la télévision au royaume du Danemark (jusqu’à 25 % de la population devant son poste !) a donc demandé à son héroïne, Birgitte Nyborg, de faire ses adieux éternels après un dernier tour de piste.
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Borgen avait débuté en racontant la conquête du pouvoir par cette femme d’un peu plus de 40 ans issue du centre de l’échiquier politique. L’ultime saison dessine une histoire similaire, mais avec des moyens et des perspectives totalement différents. Ejectée de son poste et remise en cause dans son propre parti, miss Nyborg s’éclate à Hong Kong avec son nouveau mec. Le problème, c’est plutôt son nouveau boulot : elle siège dans les conseils d’administration de diverses entreprises et donne des conférences. L’actualité française récente nous a confirmé que ce type de mouroir doré pour ex-personnage d’Etat donne envie d’en partir à n’importe quel prix. Ce que fait l’héroïne de Borgen en décidant d’un come-back.
En pleine cohérence avec son style à la fois précis et idéaliste, la série se permet alors une petite leçon de démocratie en action lorsque Birgitte Nyborg veut créer un nouveau parti, qu’elle espère à la fois humaniste et réaliste. Son nom : les Nouveaux Démocrates – on a échappé à MoDem, mais ses détracteurs diront tout de même qu’elle tente une François Bayrou, même si elle ne s’en rend pas compte.
Une simplicité aussi absolue qu’efficace
Des premières idées lancées en l’air à la construction concrète d’un programme et d’un discours, de l’art du compromis à la gestion de médias, le parcours des idées politiques et leur transformation plus ou moins déroutante au fer de la négociation est assez passionnant à suivre. A vrai dire, on n’avait pas vu la chose aussi bien montrée depuis l’époque bénie d’A la Maison Blanche. Cela reste la raison principale de s’adonner au plaisir subtil de Borgen – par ailleurs un plaisant soap haut de gamme avec coucheries, trahisons et amoureux déçus -, d’autant que la troisième saison, d’une pertinence assez remarquable, met sur le devant de la scène le rapport de toutes les démocraties européennes avec leurs étrangers.
Au fil des épisodes, la croisade de Birgitte Nyborg conserve une simplicité absolue, à l’image d’une série qui cherche en permanence à rester limpide dans sa forme. L’ex-Premier ministre se demande comment préserver un esprit social-démocrate ouvert dans un monde où tout pousse à se renfermer sur soi. Comment ne pas devenir une relique du passé ? Comment maintenir un cap sans honte ni terreur de l’échec ? Au bout du compte, Nyborg apparaît comme un envers puissant au personnage politique qui a émergé cette année dans House of Cards, Francis Underwood, alias l’homme qui ne rit jamais et détruit tout sur son passage. Elle a su demeurer jusqu’au bout une héroïne de chair et de sang, capable d’enfiler sa carapace de requin puis de la retirer afin de vivre selon ses désirs. A la fois lisible et complexe, elle a simultanément contribué à donner foi dans la politique et dans la capacité des séries à réfléchir le monde.
Borgen saison 3 chaque jeudi soir, 20 h 50 sur Arte
coffret DVD intégrale saisons 1-3 (Arte Editions), environ 80 €
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