Intrigue laborieuse, esthétique au rabais et thématiques bâclées : malgré quelques éclaircies, la tempête annoncée par l’arrivée de l’emblématique Negan dans la saison 7 de la série « The Walking Dead » aura fait l’effet d’une douche froide. Le show zombiesque peut-il encore renouer avec l’intelligence visuelle et narrative qui a fait son succès ?
Cet article contient des révélations sur la série The Walking Dead, particulièrement concernant sa dernière saison.
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Cela fait sept ans maintenant que se déploie sur nos écrans une réalité parallèle et post-apocalyptique, dans laquelle un virus a transformé la quasi-totalité de la population américaine – et on imagine mondiale – en morts-vivants assoiffés de sang. Ce jugement dernier aux contours de série B adapté des comics de Robert Kirkman, rencontre de l’imaginaire de l’épouvante bis et de questionnements politiques et survivalistes plus contemporains, scellée par la dynamique particulière des séries au long cours, a déployé ses tentacules narratives sur près de cent-cinquante épisodes, un spin off et plusieurs web séries.
Une somme narrative et télévisuelle conséquente, appelée selon ses maîtres d’œuvre à s’étendre encore longtemps, et qui devait trouver dans cette septième saison, magnétisée par l’apparition du super vilain iconique et psychopathe Negan, un climax conflictuel et psychologique. Mais force est de constater que la dernière fournée d’épisodes en date a laissé en bouche un goût amer, décevant une à une les attentes des spectateurs et des fans les plus invétérés (nous en sommes). Concours de mauvais choix artistiques en forme d’égarement temporaire, ou symptômes d’un épuisement irrémédiable ?
Une intrigue diluée à l’extrême
Après la déflagration psychologique d’un premier épisode aux airs de fête macabre, qui soldait un suspense de huit mois et dévoilait les deux victimes de la batte de baseball du terrifiant Negan, les scénaristes ont pris le parti d’axer la première partie de la saison sur les répercussion de cet acte barbare. Il s’agissait d’éprouver la solidité et la cohésion de la communauté d’Alexandria, privée du leadership d’un Rick assommé par les événements, et soumise aux exactions et humiliations à répétition de leurs ennemis Sauveurs. L’occasion de voir certains membres du groupe accepter leur nouvelle réalité en serrant les dents, d’autres (Carol et Morgan) s’en éloigner pour ne plus avoir à faire face à la douleur de la perte, quand germaient secrètement des velléités et plans de révolte individuels, essentiellement féminins (Michonne, Maggie, Sasha et Rosita).
Les teasers de la saison nous le promettaient, nous allions découvrir avec les personnages un monde plus vaste. Promesse concrétisée dans l’apparition de nouvelles communautés, la Colline et son chef lâche et ambigu, le Royaume florissant d’Ezekiel, le Sanctuaire des Sauveurs aux airs de forteresse imprenable, la communauté de femmes secrète d’Oceanside ou encore le groupe de la décharge de la mystérieuse Jadis. Au delà de leur diversité de fonctionnement, cet élargissement géographique du terrain de jeu narratif a permis de décentrer l’intrigue, de multiplier les allers retours, féconds ou conflictuels, entre des pôles variés, et d’esquisser peu à peu la grande alliance qui finira par se dresser contre l’emprise totalitaire de Negan.
Mais ces promesses alléchantes ont vu leur intérêt plombé par un rythme paresseux et un éclatement à outrance de l’intrigue, multipliant les épisodes annexes centrés sur des personnages secondaires, répétant ad nauseam les même motifs dramatiques (visites de Negan et des Sauveurs dans les différentes communautés, recherches d’armes et de vivres) jusqu’à une dilution complète de la tension. Cette progression engluée s’est couplée à un surplace de certains personnages, dont les arcs dramatiques s’étirent à n’en plus finir (la rivalité Rosita – Sasha, le pacifisme de Morgan ou l’isolationnisme de Carol). Enfin, le personnage de Negan, malgré l’interprétation jouissive d’un Jeffrey Dean Morgan cabotin à souhait, a vu peu à peu ses apparitions verser dans le show burlesque et sanglant, à la limite de la caricature : on en vient presque à regretter son ombre planant sur la fin de la saison 6, évanescente mais omniprésente, et autrement plus terrifiante.
La vision du season finale, qui voit enfin la guerre contre Negan éclater et les communautés s’allier lors d’une première bataille aux ressorts inattendus, raccorde finalement assez bien avec le massacre originel du premier épisode, et permet de questionner l’utilité de cette saison poussive, dont l’intrigue aurait pu être soldée beaucoup plus rapidement. Le temps est peut-être venu pour les showrunners de se dégager une fois pour toutes de l’emprise des comics, qu’ils respectent malgré des écarts inoffensifs, pour renouer avec une dynamique de suspense et de surprise plus enivrante.
Une mise en scène démissionnaire
Au delà de ses faiblesses scénaristiques, cette saison aura également été marquée par un manque d’imagination flagrant au niveau de sa mise en scène. Hormis les épisodes amples et nerveux réalisés par Greg Nicotero, les fulgurances plastiques qui saupoudraient la série (de la scène d’ouverture de son pilote à l’agonie de Tyreese, en passant par la formidable bataille nocturne contre les zombies dans les rues d’Alexandria) sont ici inexistantes, remplacées par un découpage en pilote automatique nourri au confort du multi-caméra à l’épaule. Les dialogues et conciliabules en champs contre-champs s’enchaînent à n’en plus finir dans les mêmes décors, et les affrontements contre les hordes de zombies prennent un caractère routinier, enveloppés dans la pâleur fade d’une lumière sans prise de risque ni effets.
De nombreux spectateurs auront également relevé une certaine roublardise, pour ne pas dire un manque d’application, dans la gestion de plusieurs effets visuels, qu’on ne saurait imputer à un manque de budget (malgré des audiences en baisse, le show reste la figure de proue d’AMC). Qui n’a pas éclaté de rire devant la biche en images de synthèse grossières de l’épisode 12, aux airs d’incrustation Paint bricolée par un stagiaire de troisième (avec tout le respect qu’on leur doit), et qui a donné lieu à une pléthore de mèmes et de détournements amusés ? Ou face à ce plan large de la décharge de Jadis, digne de figurer en couverture de l’anti-manuel de l’usage des fonds verts ? Si ce ne sont certes que des détails visuels, qui ne devraient pas peser outre mesure sur la réception de l’intrigue, la fragilité de cette dernière rend le spectateur plus réceptif aux failles de l’image propres à troubler sa (faible) immersion.
Un rendez-vous manqué avec des thématiques politiques fortes
On a vu au fil des saisons du show zombiesque les morts-vivants originels céder la place aux hommes au rang d’antagonistes principaux, et de matière première des réflexions politico-philosophiques esquissées par la narration. L’arc narratif initié par l’arrivée de Negan permettait de soulever les questions très actuelles du gouvernement par la terreur et de la politique de l’humiliation, propres à étouffer dans l’œuf les velléités de soulèvement et de liberté. Si le fonctionnement interne du Sanctuaire, à l’organisation sociale extrêmement stricte et compartimentée, analyse avec pertinence la balance liberté / confort et sécurité, l’emprise de Negan sur le groupe de Rick échoue à dépasser le manichéisme de ce microsystème, et convoque maladroitement des images d’exécution terroristes aux échos contemporains dont elle ne sait que faire.
La réflexion sur les différentes formes du pouvoir et organisations sociales germant et prospérant sur le terrain vierge de la série post-apocalyptique est autrement plus pertinente. En entrechoquant les modèles du guide sage (Rick et Alexandria), de la monarchie éclairée (le Royaume d’Ezekiel), de la dictature fasciste (le Sanctuaire de Negan) et de la neutralité isolationnisme (Oceanside), les scénaristes concoctent avec habileté un mini-traité de politique contemporaine, dont on attend avec impatience de voir se tordre les ressorts dans le cadre d’une situation de crise : la guerre contre les Sauveurs, qui constituera certainement l’arc narratif principal de la huitième saison.
https://youtu.be/1Lq-9Jb1FNU
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