En nous offrant une septième et avant-dernière saison resserrée narrativement et visuellement spectaculaire, les créateurs de “Game of Thrones” se sont délestés de leurs tics narratifs et formels pour retrouver le niveau des débuts du show. (Spoilers) Cet article contient des révélations sur la série Game of Thrones, en particulier sa dernière saison. Il y a […]
En nous offrant une septième et avant-dernière saison resserrée narrativement et visuellement spectaculaire, les créateurs de « Game of Thrones » se sont délestés de leurs tics narratifs et formels pour retrouver le niveau des débuts du show. (Spoilers)
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Cet article contient des révélations sur la série Game of Thrones, en particulier sa dernière saison.
Il y a sept ans déjà, une lourde porte s’ouvrait lentement pour laisser émerger trois cavaliers d’un tunnel de glace. Nimbés par une brume aux reflets bleutés, ils s’avançaient dans cet au-delà du Mur aux contours insondables avant d’être sauvagement étripés par une mystérieuse créature. Au désormais célèbre générique en cartographie animée du continent fictif de Westeros succédait une scène beaucoup plus sèche dans laquelle Ned Stark (Sean Bean), seigneur de Winterfell, décapitait un traitre d’un grand coup d’épée. Cette introduction en trois temps posait les bases grammaticales de l’adaptation par David Benioff et D. B. Weiss, sous la bannière d’HBO, de A Song of Ice and Fire, série romanesque de Dark Fantasy écrite par l’américain J. R. R. Martin : versant fantastique fonctionnant sur le spectaculaire, versant réaliste à la crudité déconcertante.
Sept saisons plus tard, Game of Thrones est devenue un mastodonte télévisuel au succès colossal, dont le public dépasse largement le cercle habituel des amateurs du genre. Et pourtant, on avait l’impression que quelque chose s’était perdu en route depuis la formidable saison 1, que le show s’installait parfois dans une routine bavarde et faussement transgressive saupoudrée de passions shakespeariennes, de sexe et de sang, pour devenir un divertissement efficace mais un peu ronronnant. La dernière volée d’épisodes en date est heureusement venue électriser à nouveau la recette. Quatre raisons d’un succès inespéré.
Une action resserrée et des enjeux clarifiés
La mort du roi Robert Baratheon dans la première saison de Game of Thrones avait déclenché une « Guerre des cinq rois » à la violence inouïe, dont les ramifications se sont effilochées à l’excès en une galaxie de personnages et d’intrigues secondaires parfois difficile à suivre. Si ce foisonnement narratif, et l’éclatement inhérent de la structure dramatique, ont conféré à l’univers de la série une profondeur bienvenue, la digression incessante de la forme feuilletonesque diluait la tension et reportait ad libitum toute possibilité de conclusion.
Cette pénultième saison a heureusement procédé à un grand élagage, et aligné les trajectoires principales du show sur des rails communs. Trois leaders, un trône, des Marcheurs blancs et des dragons : les ingrédients du bouquet final, savamment sélectionnés et dosés, ont enfin été réunis en un cocktail explosif.
Une mise en scène plus audacieuse
Les nombreuses scènes de batailles, ainsi que les déplacement incessants des personnages entre les trois pôles du pouvoir de Westeros (Winterfell au nord, Port-Réal au centre et Peyredragon au sud) ont imprimé à la saison un mouvement constant tranchant avec l’immobilité des intrigues de cour et faisant du continent un vaste terrain de jeu propice aux expérimentations visuelles. Les différents réalisateurs ont profité de cette accélération rythmique pour ravir la vedette aux sacro-saints scénaristes et tester des idées de mise en scène audacieuses.
https://www.youtube.com/watch?v=rcfkSKBPMSc&feature=youtu.be
On pense par exemple aux séquences finales des épisodes 1 et 3 : la montée des marches de Daenerys Targaryen depuis la plage de Peyredragon jusqu’à la salle du trône de sa citadelle a pris la forme d’une procession solennelle et muette convoquant avec malice le final du Réveil de la Force de JJ Abrams, quant la prise de Castral-Roc, fief des Lannister, par les Immaculés a opté pour une figuration distanciée en forme de précis de stratégie militaire narré par Tyrion Lannister.
La stupéfaction par le spectaculaire
Comme les années précédentes, la série a cristallisé des passions de part et d’autre de l’écran. Côté spectateurs, la surexcitation fanatique côtoyait l’habituelle guerre des spoilers, jusqu’à ce que l’épisode 6, Au-delà du Mur (diffusé par erreur cinq jours en avance par la branche espagnole d’HBO) soulève un tempétueux débat sur le réalisme des aventures des personnages.
Tout semblait d’un coup aller trop vite, les distances parcourues habituellement en de longs mois de voyage se soldant en quelques heures de corbeaux et de dragon. Tout paraissait exagéré, à l’image de ce dragon ressuscité en monture zombie par le Roi de la nuit… Cette simplification de la gestion spatiale et temporelle a contribué à troquer une logique de vraisemblance contre un pouvoir d’émerveillement plus enfantin et direct, parti pris risqué mais qui a selon nous contribué à hisser la saison à la hauteur des canons du genre, Seigneur des anneaux en tête.
Toutes les bonnes choses ont une fin
Dans l’univers des séries télévisées, la gourmandise est un vilain péché, et a poussé bien des producteurs et showrunners à maintenir en respiration artificielle un récit qui avait épuisé toutes ses possibilités narratives. Il y a pourtant une forme d’élégance à poser soi-même le point final d’une aventure, à soigner sa conclusion pour quitter l’arène la tête haute et au faîte de la gloire. Si HBO s’est assuré avec l’annonce de la production de cinq spin off de sa saga phare que sa poule aux oeufs d’or continuerait de pondre encore longtemps, les créateurs ont annoncé que les saison 7 et 8 de Game of Thrones en formeraient le bouquet final en deux temps. Leur choix semble avisé, et indique un respect de la matière première littéraire du show (si elle est toujours en court d’écriture, J. R. R. Martin en aurait révélé les principaux éléments de résolution à ses adaptateurs).
https://www.youtube.com/watch?v=7bKOPu66Elk&feature=youtu.be
Cette septième saison, électrisée par une accélération narrative revigorante, aura renoué avec l’essence de la série et scellé enfin l’alliance du dragon et du loup, de la glace et du feu. Les six derniers épisodes, prévus pour 2019, devraient solder les luttes de pouvoir pour le Trône de fer, et scander la lutte finale des royaumes humains contre les morts venus du froid. Winter is gone ?
Game of Thrones saison 7, disponible sur OCS.
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