Au-delà de la seule crise de la cinquantaine, la saison 4 de Better Things couve ses personnages féminins d’une émotion sororale sans perdre pour autant de sa force comique.
L’année dernière, lors d’un entretien qu’elle nous accordait, la créatrice de Better Things Pamela Adlon racontait l’histoire d’une amie proche en pleine dépression, qui s’était effondrée en larmes sur son appareil de muscu alors qu’elles étaient ensemble à la salle de gym. De sa voix rauque et jamais placée en volume bas, l’actrice/scénariste/réalisatrice avait prédit : “Je suis sûre que cette scène sera dans Better Things saison 4 !” Un an plus tard, il est possible de vérifier sur pièce qu’elle n’a pas menti.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Et voilà, dans l’épisode 2, venir ladite scène, émouvant moment de sororité comique sur une machine pour renforcer les adbos. La femme en question est une amie de l’héroïne qui vient d’être larguée par son mari et approche les 50 ans. En larmes, elle ne voit aucune raison d’être joyeuse, mais Sam la rassure en énumérant la liste de ses problèmes avec une bienveillance folle, prenant à témoin d’autres femmes présentes. Tout le monde rigole en transpirant.
https://www.youtube.com/watch?v=nLPZvHzzDjA
La série s’intéresse à toute la communauté des femmes
Le moment dans la salle de sport ne s’arrête pas sur cette note mais se poursuit, un peu comme si de rien n’était. Le sommet dramatique de la scène n’est pas sa fin. C’est là, sans doute, que Better Things devient géniale : elle creuse ses sujets, les rend à la fois limpides et radicaux. Quelques instants plus tard, une femme enceinte et d’autres plus âgées (et dénudées) apparaissent dans le vestiaire, formant une onde de corps féminins divers, regardés avec amour et presque une forme de compassion.
Aucun panoramique découpant les chairs en morceaux mais, à la place, un mélange de gêne et d’émotion de se permettre de filmer cela aussi librement. Dramaturgiquement, il ne se passe rien. Pourtant, il se passe l’essentiel. Entre les femmes de Better Things, des ponts se construisent, des images naissent. Pam Adlon, cela se voit sur son visage, n’en croit pas ses yeux elle-même.
La série s’intéresse à toute la communauté des femmes mais aussi et surtout à la famille de Sam – qui a trois filles et une mère… Sam, pour celles et ceux qui n’auraient pas suivi son irruption dans le monde, est le personnage principal de cette autofiction qu’Adlon dirige depuis 2016, jouant le rôle principal, dirigeant l’écriture des épisodes et désormais réalisant le moindre plan. A l’origine, cette comédienne de doublage s’était fait connaître à travers sa proximité artistique avec Louis CK, cocréateur de Better Things et dont elle jouait l’amie-amante dans Louie. Un autre temps.
https://www.youtube.com/watch?v=VA7frrTYrlk
Mais fin 2017, en pleine diffusion de la deuxième saison du show, les accusations d’agression sexuelle contre l’humoriste étaient rendues publiques. La chaine FX coupait alors tout lien avec cet homme. Depuis la préparation de la troisième saison, Adlon s’est donc retrouvée seule à bord, littéralement affranchie.
Sale gosse pour toujours
Les premiers épisodes de la quatrième saison – les seuls que nous avons pu voir en écrivant ces lignes – confirment que c’était une bonne nouvelle. La série a toujours été au-dessus du lot ? Elle est maintenant excellente, totalement déliée dans sa manière de sonder les aventures de son héroïne. Le récit fonctionne par vagues plutôt que par événements clairs, par petites strates d’histoires et d’interactions entre personnages, où tout est possible, tous les glissements poétiques ou burlesques.
Adlon prévient à travers sa porte-voix : “Welcome to my midlife crisis !”, mais c’est beaucoup plus qu’un slogan sur la crise de la cinquantaine qu’elle met en scène. Elle dévoile sans fards ce qu’est un corps qui se transforme, des enfants qui grandissent, une mère en danger de mort. Elle le fait avec un sens de l’humour joyeusement bruyant et imparable, comme dans cette scène de voiture jamais vue, où il est question de couches pour adultes…
Sale gosse pour toujours, Pamela Adlon est devenue en quelques années l’incarnation d’une mutation. Elle n’appartient pas à la génération des Phoebe Waller-Bridge ou Lena Dunham qui se sont tout de suite épanouies artistiquement en faisant entendre leur singularité. Elle a conquis un territoire personnel dont elle ne soupçonnait même pas l’existence, et c’est bouleversant.
Better Things Sur Canal+ séries chaque lundi et sur MyCanal
{"type":"Banniere-Basse"}