Un petit monstre ciné-télé à l’hybridation joyeuse
Dans les premières minutes de WandaVision, un nouvel employé fait forte impression dans l’entreprise où il travaille, capable de mettre en ordre des formulaires en moins de temps qu’il ne nous en faut pour l’écrire. A son collègue impressionné, il demande : “Mais au fait, on fabrique quoi ici ?” L’autre n’arrive pas à répondre clairement : “Tout ce que je sais, c’est que depuis ton arrivée, la productivité a augmenté de 300 %.”
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Nous sommes dans les années 1950, le décor l’atteste et le noir et blanc le souligne. Mais l’humour en marche est bien contemporain : il s’agit de comprendre si une industrie, à force d’accélération sans but précis, peut encore produire quelque chose de sensé.
Depuis une petite vingtaine d’années, les Marvel Studios ont envahi le marché mondial de l’entertainment comme jamais. Et si cette série (la première que ledit studio met en ligne pour Disney+) n’a rien d’un brûlot politique, elle agit, en tout cas dans les premiers épisodes que nous avons pu voir, comme un retour à la modestie. Un dégonflage, certes ultra-ambitieux, mais un dégonflage quand même. Et un terrain de jeu jouissif à arpenter.
Deux super-héros·oïnes planqué·es dans un pavillon à la pelouse bien tondue
L’employé joué par Paul Bettany n’est autre que Vision, personnage secondaire du Marvel Cinematic Universe (MCU), censé être mort dans Avengers: Infinity War (2018). On le voit s’installer avec sa femme Wanda Maximoff, autre figure du MCU interprétée par Elizabeth Olsen, dans un pavillon de l’Amérique fifties des papiers peints et des pelouses trop bien tondues. Le couple rencontre ses voisin·es, cache ses superpouvoirs, tente d’éviter les questions gênantes. Le tout dans un décorum précis où certaines scènes sont ponctuées de rires enregistrés.
D’emblée, WandaVision se déploie comme un hommage étrange à l’histoire du petit écran, notamment les sitcoms, comme pour réinjecter du sériel classique dans un monde où le cinéma serait devenu épisodique. Une touche d’I Love Lucy (l’une des premières sitcoms mythiques, drivée par Lucille Ball), un générique en forme de pastiche élégant de Ma sorcière bien-aimée, un soupçon du Prisonnier à travers la sociabilité angoissante de certain·es voisin·es, une référence décalée à Friends et une avancée dans le temps au fur et à mesure des épisodes : c’est la matière même du petit écran que malaxe la série avec une légèreté charmante, tout en pointant les aspects les plus anxiogènes de la vie parfaite/imparfaite mise en scène par le genre depuis toujours.
Un petit monstre ciné-télé à l’hybridation joyeuse
Car un danger rôde sous la surface. Tout cela n’est peut-être qu’un théâtre enfantin et débraillé, bientôt remplacé par un autre. L’écrin confortable et artificiel du noir et blanc disparaît après deux épisodes au profit de la couleur. Il se pourrait que l’action reprenne ses droits. On peut se demander si WandaVision perdra son cachet pour revenir dans des rails de bruit et de fureur MCU compatibles, mais l’intuition nous dit que ce ne sera pas complètement le cas. Nous voici devant un objet pop ambigu et plein de vitalité, un petit monstre ciné-télé à l’hybridation joyeuse. Et c’est déjà beaucoup.
WandaVision sur Disney+
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