Avec le retour de « Ça » dans les salles mercredi prochain, Stephen King et ses récits font l’objet d’une nouvelle adaptation cinématographique, plus de 40 ans après la première : c’était avec « Carrie », en 1976. Le maître du fantastique a autant marqué l’histoire du cinéma que celle de la littérature. Retour donc sur les meilleures traductions de ses oeuvres, cinéma et télévision confondus.
Stephen King est non seulement un pilier de la littérature fantastique (on ne vous apprend rien), mais aussi une vraie référence pour le cinéma et la télévision. Grâce à ses oeuvres, ce sont plus d’une quarantaine d’adaptations cinématographiques qui ont vu le jour, de l’exemplarité de Carrie jusqu’au reboot de Ça en passant par le désaveu de l’auteur vis-à-vis de Shining par Stanley Kubrick. Sa carrière littéraire aura donc fait naître des oeuvres abouties sur grand écran – qui feront l’objet de notre propos – sans pour autant faire traîner une certaine uniformité en termes de qualité : difficile de passer à côté des malheureuses et récentes réadaptations de Carrie (la revanche) et La Tour Sombre, à titre d’exemple. Le petit écran, téléfilms et séries confondus, a également été influencé par l’écrivain : on pense surtout à Under the Dome qui a accouché de trois saisons (la plus longue adaptation télé d’une oeuvre de SK) et plus récemment 22/11/63, une mini-série avec James Franco en tête d’affiche autour de l’assassinat de Kennedy. De la même trempe que la frénésie de sa carrière d’auteur (pas moins de cinquante romans et deux-cent nouvelles publiés), son influence sur le cinéma aura marqué les esprits aussi parce que les oeuvres ci-dessous ont su réinventer son imaginaire de manières très différentes. Sélection.
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Carrie au bal du diable, de Brian De Palma (1976)
Carrie représente un tournant à la fois pour Stephen King et pour Brian De Palma. Pour l’écrivain, c’est son tout premier roman et donc la promesse d’une longue et riche carrière. Pour le cinéaste, c’est la confirmation d’un talent déjà aperçu dans Phantom of the Paradise et Obsession (oeuvre dauphine de l’art hitchcockien). Une confirmation qui deviendra très rapidement un film culte et de référence dans la représentation du Diable au cinéma, rejoignant Rosemary’s Baby (1967) et L’Exorciste (1973) au panthéon du genre. Porté par la jeune mais ténébreuse Sissy Spacek (Oscar de la meilleure actrice), Carrie marque aussi les esprits pour l’exceptionnelle scène du bal qui absorbe la fin du film et au cours de laquelle De Palma impressionne pour sa maîtrise millimétrée des (nombreux) événements qui précèdent le chaos final. Un premier héritage filmique ô combien symbolique des oeuvres de King et leur capacité à dépasser le champ littéraire, y compris pour les thèmes sensibles qu’elles abordent – dans Carrie : l’adolescence, la religion et la crise d’identité.
https://www.youtube.com/watch?v=5odtIbTbDyA
Shining de Stanley Kubrick (1980)
Trois ans plus tard, une seconde transcription filmique d’une oeuvre de l’écrivain cette fois-ci menée par un Stanley Kubrick qui cherche à reconquérir le public suite à l’accueil mitigé (et injuste) de Barry Lyndon, sa fresque picaresque dans l’Irlande du XVIIIe siècle. Accompagné de Diane Johnson à l’écriture, Stanley Kubrick va totalement revisiter voire ignorer le roman de Stephen King – ou quand SK renie SK, et inversement… Récemment encore, l’auteur qualifiait cette adaptation de « misogyne » et particulièrement « froide ». Et pourtant, le reniement mutuel des deux artistes fera toute la légende du film et marquera l’inconscient collectif. A mi-chemin entre l’horreur et le fantastique, The Shining est aussi un huis-clos spatial et mental dans lequel nous assistons progressivement à la dérive de Jack Torrance (Jack Nicholson, bouillonnant) vers la folie et le meurtre au coeur de l’Overlook Hotel, un lieu-personnage informe et aux couloirs anarchiques, tel un labyrinthe. Là encore, une oeuvre centrale dans l’influence de Stephen King sur le cinéma, mais qui via la vision de Kubrick résonne comme une sorte d’anti-adaptation – le réalisateur voyait Shining comme un « démenti ». Le débat reste ouvert.
Christine, de John Carpenter (1983)
John Carpenter qui s’attaque à du Stephen King, c’est comme une évidence. Le réalisateur indépendant maître dans l’art de la science-fiction et de l’horreur s’est effectivement confronté à la terrible histoire de cette voiture meurtrière, la fameuse Christine. Tandis que Kubrick observait la dérive invisible et progressive d’un Jack Torrance manipulé par l’Overlook Hotel, Carpenter filme l’interdépendance entre Christine et son chauffeur teen de manière plus matérielle et fantasmée, avant que la voiture ne prenne définitivement le dessus. Ainsi, tout gravite autour de Christine : il y a d’abord cette relation avec le jeune souffre-douleur devenu playboy de son lycée et enfin avec la mise en scène subjective offerte par Carpenter à la voiture, proposant au spectateur un regard tout autre et qui va à l’encontre de l’utilisation classique du plan subjectif au cinéma. La voiture devient mise en scène, et le film s’attelle à sa volonté satanique soutenue par le rouge écarlate de sa carrosserie. Après Carrie, une nouvelle représentation du Diable et de ses « rougeurs » : le sang pour la première, la carrosserie pour Christine. Outre cet héritage diabolique, le film se distingue également pour sa musique originale composée (bien sûr) par Carpenter himself et ses synthés enivrants.
Dead Zone (1983) de David Cronenberg
Une autre alliance naturelle – et fantastique – entre SK et un cinéaste va naître la même année et ce grâce à David Cronenberg et son adaptation de Dead Zone. Après avoir fantasmer la télévision dans Videodrome, sorti plus tôt la même année mais dont la réception fut hostile, Cronenberg joue ici avec la thématiques du temps grâce à un savant mélange des genres : paranormal, thriller paranoïaque, science-fiction et romance. Cinéaste du corps et de ses (dé)formations, Cronenberg explore ici la mentalité du personnage principal (Christopher Walken, intense), capable de prédire le passé et l’avenir. Son pouvoir le mènera à prédire l’extinction de l’humanité par le déclenchement d’une Troisième Guerre mondiale par un potentiel Président des Etats-Unis. Au-delà du fantastique, le cinéaste s’approche également du mélodrame – le film raconte également une très belle histoire d’amour -, un genre qu’il placera au coeur de son film suivant, La Mouche.
https://www.youtube.com/watch?v=lmC5oPc7L3M
Les Evadés (1994) et La Ligne Verte (1999) de Frank Darabont
Mais qui est ce mystérieux réalisateur à qui l’on doit les adaptations cultes du roman court Rita Hayworth et la Rédemption de Shawshank et de La Ligne verte ? Parce que si nous nous souvenons de l’aventure contrastée d’Andy Dufresne dans la première et de John Coffey, le taulard-balourd spirituel, dans la seconde, difficile de retenir le nom de celui qui se cache derrière ses figures du cinéma des années 90′, à savoir Frank Darabont. Principaux faits d’armes d’un cinéaste à la carrière bien terne, Les Evadés et La Ligne Verte sont vites devenus des références dans le registre de l’adaptation filmique et consécutivement des véritables stars de la rediffusion à la télévision. Malgré leurs styles très académiques, un sens de l’émotion qui a séduit des générations et des générations de spectateurs, et même l’Académie des Oscars, les deux films ayant trusté chacun de leur côté les nominations : sept pour Les Evadés (aucune concrétisée) tandis que La Ligne verte a fait un sans faute (cinq nominations, cinq statuettes dont celle du meilleur film et du meilleur scénario adapté). Et dans tout ça, on a déjà oublié Frank Darabont, (jamais nommé aux Oscars) et son style finalement très épuré qui n’a pas fait l’unanimité lorsqu’il réalise The Mist en 2007, autre adaptation d’une oeuvre de SK – qui a récemment fait l’objet d’une nouvelle reconstitution sous forme de série télé – avant finalement de créer la série The Walking Dead avec Robert Kirkman. Frank Darabont, ou le réalisateur écrasé par la dimension culte de ses oeuvres…
Under the Dome (2013-2015) et 22/11/63 (2016)
Moins florissante qu’au cinéma, la carrière des oeuvres de Stephen King sur le petit écran réservent quelques arguments efficaces. Jusqu’à Under the Dome, diffusé en France sur la chaine M6, un panel plus ou moins oublié de téléfilms et de mini-séries en tous genres – on retiendra tout de même la toute première adaptation de Ça par Tommy Lee Williams de 1990 – et pour lesquels Stephen King a parfois donné de sa personne. La première série récurrente reste donc celle de Brian K. Vaughan : 39 épisodes, 3 saisons et finalement une annulation menée par CBS, diffuseur américain de la série. Quelque peu oubliée depuis qu’elle a acquis le statut, disons-le, de « série qui aide à faire passer le temps », elle aura été amorcée par quelques pionniers : Steven Spielberg à la production exécutive et Jack Bender (un ancien de Lost) à la réalisation de quelques épisodes. Doté d’un potentiel politique dès ses débuts – une communauté américaine retranchée sur elle-même, attisant barbarie et lutte pour la liberté – et d’un sens des références assez étoffé, Under the Dome s’enlise et devient rapidement dispensable.
Autre adaptation à la télévision, le (superbe) roman 22/11/63 qui retrace l’assassinat de JFK, à Dallas le fameux 22 novembre 1963. Le roman et la série offre une réécriture passionnante de cet événement tragique qui bouleversera considérablement la politique américaine au tournant de la Guerre Froide : un jeune professeur d’anglais se voit propulser dans les années 60′ dans le seul but d’empêcher la mort du Président. A travers ce voyage, des rencontres décisives et symboliques, puis un amour instantané pour une jeune bibliothécaire. Avec James Franco dans le rôle principal, la série produite par Hulu est certainement à ce jour l’une des adaptations télévisées les plus abouties de Stephen King. Si l’on regrette le style assez lisse de la mise en scène, il existe un sens du suspense et du cliffhanger qui tient en haleine et s’intègre pleinement dans l’actuel âge d’or des séries. Une reconstitution généreuse qui correspond parfaitement à la rhétorique descriptive de Stephen King dans le roman : c’est simple, les années 60 dans 22/11/63, c’est de l’incarnation la plus pure, la plus absolue, de la nostalgie.
https://www.youtube.com/watch?v=NXUx__qQGew
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