La série coproduite par James Wan nous plonge dans une enquête sur deux époques, reliées entre elles par des cassettes VHS. Une belle proposition pour une exécution en demi-teinte.
Interrogée sur la véracité de vieilles vidéos, qu’elle aurait enregistré dans les années 1990, une femme au visage partiellement brûlé répond : “vous croyez que Blair Witch a tout inventé ?”. C’est l’une des nombreuses références pop culturelles, plus ou moins habilement glissées, qui parcourent Archive 81, la dernière série horrifique labellisée Netflix, et coproduite par James Wan. Blair Witch n’a peut-être pas tout inventé, mais lorsqu’en 1999 ce film fauché d’un cinéaste inconnu, – cultivant le trouble quant à sa vraie fausse authenticité – affole le box-office mondial, il met en orbite un procédé du cinéma expérimental jusqu’alors quasi-inconnu, devenu depuis un sous-genre du cinéma d’horreur archi-populaire : le found footage. Autrement dit des vidéos prétendument perdues, puis mystérieusement retrouvées, captées par des amateur·trices (caméra tremblante et qualité médiocre au rendez-vous), transformant le ou la spectateur·trice en témoin d’une vraie fausse affaire, virant généralement au cauchemar.
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Analog horror
23 ans et une palanquée de films du genre plus tard, Archive 81 est en quelque-sorte un post found footage, jouant avec ses codes sans pleinement les incarner, et les conjuguant à une tendance de fond de la création horrifique sur Internet : l’analog horror. Nourrie par la passion pour les internautes pour les lost media (ces enquêtes, souvent fictives, sur des émissions étranges diffusées dans les années 1980-1990 qui auraient disparu des radars) et les creepy pastas (les légendes urbaines nées d’Internet) l’analog horror (vous excuserez ces détours lexicologiques), est une mutation du found footage à l’ère numérique, où les cassettes VHS et diffusions télévisées de l’ère analogique sont devenues les vestiges d’une époque pré-Internet, emplie de mystères et de bruits statiques.
Ayant savamment flairé la tendance, Archive 81 investit ce sous-genre de sous-genre – qui sur Internet est surtout le fait de vidéastes expérimentaux – pour le diluer dans une intrigue autrement plus classique. On y suit Dan, un technophile ascendant nerd, spécialisé dans la restauration et la numérisation de pellicules et bandes VHS détériorées. Maestro de sa discipline, il est approché par le PDG d’une société nébuleuse, aux motivations opaques, qui lui propose, contre un joli pactole, de numériser une série de cassettes rescapées d’un incendie. Reclus pour des raisons qui lui échappe dans une immense construction en béton quelque part dans les Catskills, Dan se met au travail et découvre par VHS interposées le travail de Melody, étudiante et aspirante documentariste, camescope soudé à la main, qui enquêtait en 1994 sur les habitant·es du Visser, un immeuble new-yorkais au passé trouble, reconstruit sur les ruines d’un autre après un mystérieux incendie. Un immeuble, deux époques, autant d’incendies, et beaucoup de mystères ; Archive 81 déroule un récit fait de nœuds et de twists (aux fortunes diverses) pour emberlificoter les spectateur·trices dans un jeu de piste aussi ingénieux par moments que boiteux par endroits, du même genre qui constellent la toile et transforment les internautes en enquêteur·trices en herbe.
Une trame cousue de fil blanc
Si l’idée est louable, autant que la transposition en série d’un genre mutant né sur Internet est pertinente, l’exécution l’est moins. On regrette notamment les leviers dramatiques cousus de fil blanc (il y est question d’une secte religieuse tenue secrète, de contrôle mental et d’imbrications temporelles) qui entravent quelque peu la belle proposition initiale, n’en déplaisent aux twists à rebonds censément mindblowing, mais finalement relativement communs.
On retiendra de la série sa très belle idée, quelques trouvailles de mise en scène fortes et son ambiance délicieusement paranoïaque. Pour le reste, on préférera se perdre dans les tréfonds d’Internet pour jouer nous-mêmes les enquêteur·trices, en décryptant sur nos écrans HD, des vraies fausses vidéos archéologiques, venues d’une ère pré-numérique lointaine que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître.
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