La meilleure série policière française vient d’achever le tournage de sa sixième saison, scrutant les relations entre flics, politiques et voyous. Reportage.
Paris, Xe arrondissement. A deux pas de la boulangerie trop chère la plus prisée de la capitale se trouve le commissariat fictionnel où se jouent les affaires les plus sombres dévoilant la misère humaine. Pour les dernières semaines du tournage de sa sixième saison, Engrenages y a élu domicile.
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Les comédiens, notamment Caroline Proust, Thierry Godard et Fred Bianconi, terminent une longue route de près de huit mois, le temps nécessaire pour filmer douze épisodes de la création phare de Canal+. Mise à l’antenne en 2005, elle est la pionnière des séries dramatiques de la chaîne cryptée. Et aussi la meilleure sur la durée.
Les nuances d’une scène de briefing policier à laquelle nous assistons échappent à notre compréhension immédiate – il est question de l’affaire de meurtre qui structure cette nouvelle saison. En revanche, observer le ballet des regards et des gestes captés par deux caméras reste un indicateur de la force intacte, voire de plus en plus vive, de la série.
“Les comédiens trimbalent une mémoire du personnage”
Plus qu’aucune autre en France, Engrenages a su inventer une rythmique, un sens permanent de la chorégraphie qui dépasse la question du réalisme pour créer un univers spécifique, finalement romanesque : celui d’une petite équipe de policiers dont les visages inquiets se creusent un peu plus chaque saison. Ils s’approchent, se frôlent, se parlent vite et parfois mal, au gré d’une mécanique impressionnante et toujours huilée. Ce sont eux qui font le sel de la série.
Le Suisse Frédéric Mermoud, réalisateur de la seconde partie de la saison, connaît la valeur de son casting : “Les comédiens ont accès à des sentiments auxquels je n’ai pas accès. Ils trimbalent une mémoire du personnage. De cela, j’essaie de faire un matériau en me mettant à leur écoute.”
“Cette saison sera assez politique, mais on n’invente rien. Le souci est d’éviter les clichés”
Cette année, Engrenages a choisi de rapprocher ses deux pôles majeurs, police et justice, “autour d’un seul cadavre”, explique la showrunneuse Anne Landois, présente sur le tournage en plus de diriger l’écriture. Il est question d’un tronc humain (celui d’un policier ?) trouvé dans un tas d’encombrants du XXe arrondissement, une enquête qui mène tout le monde à Saint-Denis.
“J’ai eu l’idée après le récit de l’un de nos consultants policiers, qui travaillait dans le XVIIIe arrondissement avant de partir à Saint-Denis. L’état du commissariat qu’il a découvert en arrivant, les relations compliquées et imbriquées entre mairies, voyous et flics, tout cela a nourri la volonté de faire une saison autour du ‘93’ et des relations entre la police, les élus et le crime. Cette saison sera assez politique, mais on n’invente rien. Le souci est d’éviter les clichés.”
“Nous avons une exigence de complexité”
Une série policière française capable de regarder une société à cran, voilà ce qu’est devenue Engrenages, qui rechignait pourtant un peu, dans ses premières saisons, à tenir pleinement ce rôle de vigie. Un autre temps des séries, caduc. “Notre ambition est d’interroger d’abord le métier de flic, qui manque aujourd’hui de sens. Souvent, les policiers que l’on fait intervenir en Seine-Saint-Denis viennent des cités. Ils sont jeunes, ils ont grandi parfois avec des gamins qu’ils se retrouvent à arrêter.
Cette frontière est poreuse, comme est poreuse la frontière entre ceux qui tiennent les cités et les mairies, qui peuvent être tentées de faire des compromis avec des voyous pour préserver leur électorat. Tout le monde a un peu un pied dedans et un dehors. On voudrait comprendre comment ce glissement s’est opéré, y compris vers la corruption. L’affaiblissement des institutions se joue aussi avec des gens qui essaient pourtant de bien faire leur métier. La réalité est complexe et nous avons une exigence de complexité.”
Engrenages saison 6 sur Canal+ en milieu d’année
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