Non content de vivre dans un ananas et d’être une superstar de la culture web, Bob l’éponge s’est récemment invité au Chicago Sun Theater, pour la première représentation du musical qui lui est entièrement dédié. Un show estampillé Broadway qui n’est pas sans surprises.
Mise en scène par Tina Landau, cette comédie musicale de 2h30 n’est pas simplement attrayante par sa vocation de divertissement fun. Cette transposition live d’un programme débridé – et pierre fondatrice par sa centaine de memes et gifs de la culture 2.0, comme nous le rappelle Fusion – propose bien d’autres qualités. Niveau exigence, on est plutôt loin de son inquiétante parodie pornographique produite par les studios Woodrocket en 2011.
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David Bowie à Bikini Bottom
La programmation musicale est envoûtante et dévoile la dimension profondément pop de la production Nickelodeon. Les chansons structurant la narration du show sont toutes inédites et nous les devons à Cyndi Lauper, Aerosmith, The Flaming Lips, ou encore…David Bowie, dont ce fut l’une des dernières créations. La scène conclusive de Bob l’éponge le film, rythmée par les éclectrisants Twisted Sisters (« I wanna rock »), dévoilait déjà l’intérêt porté par les scénaristes de la série vers cette culture rock transgressive. Les décors conçus par David Zinn, à savoir la fantasmagorique ville aquatique de Bikini Bottom, contrastent par leur douceur phosphorescente avec cette dimension opéra-rock : on y retrouve cette forme de grandiloquence désuète propre aux spectacles de Broadway, mais aussi un tracé naïf évoquant les dessins d’enfants.
"A HUGE HIT! You'll have THE BEST DAY EVER!" – @abc7chicago
"DEANS LIST A+" – @DeanRichards pic.twitter.com/iqGGuUfdWt— SpongeBob Musical (@SpongeBobBway) June 20, 2016
Le pitch : accompagné de sa grande amie écureuil-cosmonaute texane, Bob compte bien empêcher une imminente éruption volcanique. Cette transposition musicale est des plus théoriques. Bob (Ethan Slater) devient un blondinet en tenue d’écolier londonien, Sandy une afroaméricaine à la chevelure fleurie (Lilli Cooper), Patrick (Danny Skinner) une sorte de touriste estival bon vivant façon Nick Frost hawaïen, évoquant les stoners des films pour adolescents US. L’idée ? Rendre hommage aux délires subversifs de la série animée, évoquant les gags volontiers grivois de Tex Avery et l’absurdité des cartoons de la Warner Bros, tout en attribuant aux personnages originels un petit quelque chose en plus.
Bob L’éponge, humain avant tout
Interviewé par Playbill, Ethan Slater, éponge-cuistot version « in real life », s’exprime :
« Ce Bob l’éponge-là diffère de sa version télévisuelle. J’en suis son équivalent humain, mais je ne suis pas l’éponge à proprement parler. En travaillant le plus possible sur les personnages, on conçoit de plus en plus leur essence humaine, justement – cette vérité humaine qui en est le coeur »
Des propos appuyés par son collègue Gavin Lee, qui incarne Carlos, le calamar sarcastique et mélomane :
« Les téléspectateurs adorent l’iconique Bob l’éponge, mais le metteur en scène a beaucoup travaillé afin d’humaniser autant que possible mon personnage. Lee m’a dit que si celui-ci était grincheux en permanence, les gens ne s’y attacheraient pas. Sur scène, Carlos dialogue souvent avec sa mère décédée. Il s’agit de montrer que le personnage a un coeur et que la plupart du temps, il est incompris. Ce calamar possède avant tout un rêve : jouer tranquillement de sa clarinette. Ce n’est pas un rôle en deux dimensions, c’est une vraie personne ».
According to @nypost – @SpongeBobBway could be the next 'Hamilton' https://t.co/qQAu5KyY2c pic.twitter.com/p3CUNdaWyr
— Broadway In Chicago (@broadwaychicago) June 14, 2016
« Mes personnages sont plutôt asexués. Je pense que cette série ne parle que de tolérance car tout le monde y est différent » déclarait Stephen Hillenburg en 1999. Les intentions dramatiques mises en avant par les acteurs vont ainsi dans le sens d’une oeuvre que son créateur, dès la première saison, qualifiait plus ou moins directement d’humaniste. Cette comédie musicale représentée tout le long du mois outre-atlantique a été qualifiée par le Chicago Tribune de « terrain de jeu anarchique« . Le Chicago SunTimes quant à lui y conçoit une satire maligne du monde bureaucratique, se permettant de fustiger les excès de la politique contemporaine (Donald Trump ?) et le ridicule du star-system, en une irrévérence enjouée mâtinée de sonorités hip-hop, soul, disco et heavy metal.
Preuve en est que cette série pour enfants adulée par les geeks trentenaires n’a rien perdu en pouvoir d’évocation.
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