Pour sa deuxième saison, la création de John Ridley réinvente subtilement la série chorale à travers une équipe de basket de l’Indiana bousculée par le viol d’un lycéen.
Comment une série qui n’a pas de genre peut-elle se faire une place au soleil ? On ne parle ni de féminin, ni de masculin, ni de neutre, mais de thriller, de comédie, de drame pour adultes, de science-fiction, d’horreur ou de superhéros. Face à un public très morcelé, la réponse des chaînes et des maîtres du streaming se fait à la carte.
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Chacun trouve ce qui lui plaît dans un monde de niches. L’essor du câble américain, très bénéfique de nombreux points de vue, a favorisé ce morcellement qui ne fait que commencer. Les exceptions à la règle deviennent rares, les ovnis encore plus.
Ni enquête policière pure, ni drame social
L’existence même d’American Crime sur un puissant network est exceptionnelle. Voilà un drama diffusé en prime time sur ABC impossible à définir en une phrase. Exploit ! Ni enquête policière pure, ni drame social, ni série judiciaire, la création de John Ridley (scénariste de 12 Years a Slave, le film de Steve McQueen) invente sa propre géographie mouvante. Une capacité de métamorphose rendue plus forte encore par le principe de l’anthologie.
D’autres, comme True Detective ou Fargo, incarnent aussi cette tendance où les histoires et les personnages changent chaque saison, pour éviter la routine. Mais seule American Crime (ainsi qu’American Horror Story, dans son style hystérique) parvient à lui donner un sens immédiat.
Eviter les raccourcis
Après une première saison centrée sur une affaire de meurtre sordide en Californie, le décor change. Direction Indianapolis. Un lycéen déphasé découvre un matin que des photos de lui dans un sale état circulent. Il était à la soirée organisée par le capitaine de l’équipe de basket d’un lycée huppé et s’est retrouvé à boire beaucoup trop. Il pense avoir été drogué.
Surtout, il a été violé. Son manque de mots pour expliquer ce qui lui est arrivé en dit long. Sa mère, avec qui il vit seul, décide de porter l’affaire devant les responsables du lycée puis la police. American Crime saison 2 commence alors vraiment. Elle se donne pour mission d’éviter les raccourcis que tant de séries empruntent depuis cinquante ans.
Adultes et ados, puissants et misérables
Comme dans la saison précédente, le chemin vers la vérité s’annonce long et fastidieux. Comme dans la saison précédente, les acteurs principaux (Felicity Huffman, Timothy Hutton) sont là. Mais on les retrouve dans des rôles bien sûr différents, comme pour suggérer en passant que personne n’a la tête d’un seul emploi.
De femme éplorée, l’ex-héroïne de Desperate Housewives se transforme en proviseur retors devant la menace d’un scandale dans son lycée. Elle n’est pas seule, loin de là. Le temps passé à l’écran est partagé entre adultes et ados, puissants et misérables, victime et potentiels coupables. Telle est la marque d’American Crime. Les failles américaines y apparaissent d’autant plus saillantes.
Tout est constamment sur le point de basculer
De manière à la fois habile et morale, la série ne se contente jamais d’entendre ou de montrer une seule version des faits. Tout est constamment sur le point de basculer tandis qu’une forme de récit périphérique se déploie, où les sujets sont connectés, malaxés, retournés : différences de classe, relations parents-enfants, enjeux ethniques plus ou moins avoués…
La mise en scène frontale mais jamais invasive montre une sensibilité aux peaux, aux êtres et aux lieux que l’on n’avait pas perçue de manière aussi évidente depuis Friday Night Lights – le décor choisi y fait penser. Légèrement plus formatée, American Crime ne parviendra probablement pas à la hauteur de son aînée, qui avait construit un récit inoubliable sur plusieurs années. Cela ne l’empêche pas d’impressionner.
American Crime à partir du 31 janvier, le dimanche, 20 h 50, Canal+ Séries
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