La sitcom délirante et subtile sur une créature extraterrestre à poil arrive en DVD.
Il n’y a pas que les “grandes séries adultes” dans la vie. Il y a aussi celles que l’on voit d’un oeil un peu plus distrait et qui n’ont rien fait pour recevoir les honneurs de la haute culture.
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Elles constituent la majorité de la production disponible, ce que nous aurions légèrement tendance à oublier. Elles ont occupé sans vergogne le petit écran mondial depuis plus de soixante ans. Plaisirs coupables ? Cela ne les empêche pas d’être fascinantes à regarder et passionnantes à analyser.
La “petite forme” télévisuelle ne manque jamais d’attrait. La plus parfaite de toutes s’appelle la sitcom – un espace clos, un petit groupe de personnages, quatre caméras, des rires en boîte. Revoir la réjouissante Alf ne peut que nous conforter dans cet avis. Alf, c’était le nom d’une peluche géante douée de parole et débarquée dans la quiétude d’une famille middle class tout ce qu’il y a de plus banale.
Un extra-terrestre survivant de l’explosion de la planète Melmac, installé dans la banlieue de Los Angeles chez monsieur et madame Tanner, brushing, lunettes pas sexy et compagnie. Une sorte de caillou dans la chaussure du rêve américain benêt et un agitateur de premier ordre. Car Alf (qui a vécu quatre saisons, entre 1986 et 1990) agissait toujours selon ses désirs et révélait miraculeusement ceux des autres.
Au fil des années, il ne parvenait pas à comprendre réellement l’idée de civilisation, tout en trouvant un certain charme aux rituels inventés par les humains pour vivre ensemble. Ce décalage faisait d’Alf un personnage de sitcom idéal : sa sphère d’existence ne dépassait jamais (ou presque) le cadre du quotidien qu’il parvenait à faire exister et imploser en même temps.
Les gestes répétés chaque matin et chaque soir, les repas pris en commun, les engueulades avec les voisins, tout cela donnait l’occasion à cet invité venu d’ailleurs de démontrer l’absurde linéarité de la vie terrestre.
Alf n’était pas ET. Alf était plutôt du genre méchant et mauvais esprit. Bien sûr, il n’avait rien d’un serial killer (quoiqu’il se rêvait en dévoreur de chats, autre symbole domestique par excellence) mais il s’employait quand même à parler à tout le monde comme à des chiens. Pas question de le caresser dans le sens du poil, Alf refusant toute confusion avec le moindre animal de compagnie.
http://www.dailymotion.com/video/x6sql2
Dans la version originale, que le DVD donne l’occasion de connaître, la voix de la marionnette (celle du cocréateur Paul Fusco) s’exprime avec un accent italo-new-yorkais un peu canaille. La version française, culte dans les lycées de la fin des années 80 grâce à Roger Carel, lui donnait plus de rondeur et un aspect cartoonesque.
Une différence de culture étonnante, qui ne change pas fondamentalement l’approche de la série, mais peut lui offrir a posteriori un sens légèrement différent. Revenir sur des amours anciennes pour en découvrir des aspects cachés est un exercice sériephile comme un autre.
Les raisons de revoir Alf sont nombreuses. Rire cruellement en est une. Il ne s’agit pas spécialement d’une sitcom pour jeune public, elle se regarde à plusieurs degrés. On peut par exemple l’apprécier pour sa manière de revisiter tout le spectre du divertissement à l’américaine sous un angle semiparodique.
Puisqu’il n’a pas forme humaine, Alf peut devenir n’importe qui. Il peut même se transformer en animateur de talk-show à la place du mythique Johnny Carson, le temps de deux épisodes remarquables de la saison 3, parmi les plus délirants et les plus revêches de toute la série.
Olivier Joyard
Alf saison 3. DVD Universal. Environ 20 €.
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