Une drag queen et une fillette de 10 ans en cavale : un road movie victime de ses clichés et de ses vannes mal amenées.
Depuis 2009 existe l’une des émissions les plus étonnantes de la téléréalité, RuPaul’s Drag Race, une compétition de drag queens avec jurées méchantes/au grand cœur et punchlines sans limites de bon goût. Ce pavé dans la mare de l’hétérosexualité dominante est animé et produit par RuPaul Charles, qui s’est construit depuis les années 1990 une image et un empire de performer – ou performeuse, c’est selon, l’intéressé.e acceptant les deux genres. Une icône de la culture camp devenue mainstream, voilà l’idée. Tout cela valait bien un contrat Netflix et une série, mise en ligne dans une certaine discrétion au début du mois.
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AJ and The Queen raconte la fuite d’une petite fille de 10 ans, dont la mère est une prostituée accro à la drogue, et d’une drag queen qui voulait prendre son envol en créant son propre club… jusqu’à ce que son projet tombe à l’eau après une malversation déprimante : son associé, l’homme qu’il/elle devait épouser, a disparu avec le magot.
L’enfant et son nouveau mentor sillonnent le pays dans un camping-car, courant le cachet dans des clubs où à peu près tout surligne les codes de l’Amérique profonde.
Le problème est que les producteurs ont voulu faire une “vraie” série
L’intention est louable, voire excitante, surtout que RuPaul approche de la soixantaine, un âge souvent interdit de représentation. Mais la série ne parvient malheureusement pas au bout de son idée. Les meilleures scènes d’AJ and The Queen sont celles où Ruby Red – le nom du personnage que joue RuPaul – se donne en spectacle, offrant une plongée forcément documentée dans un monde parallèle excitant.
Le problème est que les producteurs ont voulu faire ici une “vraie” série. Et rien ne retient vraiment l’attention, que ce soit le ton, qui hésite constamment entre comédie malpolie et conte social – il aurait fallu un grand réalisateur de la trempe de John Waters pour réussir le mix –, ou le récit, perclus de clichés et de passages attendus.
Les épisodes sont par ailleurs beaucoup trop longs, quand un format de trente minutes aurait resserré les enjeux. Bref, rien ou presque ne va, d’autant que l’esprit des séries queer les plus contemporaines, de Transparent à Pose en passant maintenant par Work in Progress (lire p. 60), semble n’avoir pas effleuré ce projet clairement assemblé à la va-vite.
C’est d’autant plus dommage que le co-créateur d’AJ and The Queen n’est autre que Michael Patrick, principal scénariste de Sex and the City en son temps, grand talent dont les vannes tombent ici le plus souvent à plat. Comment ne pas avoir le cœur pincé par cette démonstration de la difficulté à être et avoir été ?
AJ and The Queen disponible sur Netflix
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