Dans la minisérie “American Crime Story: Impeachment”, le showrunner nous ouvre la Maison Blanche pour nous plonger au cœur de l’affaire Monica Lewinsky, femme sous emprise d’un homme de pouvoir.
Dans l’œuvre foisonnante, étrange et queer de Ryan Murphy (Nip/Tuck, Glee, Ratched, etc.), l’anthologie American Crime Story dévoile sa face dite sérieuse, où l’esthétique camp ne se glisse qu’en contrebande plutôt que d’exploser au visage. Dans ces formats bouclés, le superproducteur dessine le portrait d’un pays à travers quelques affaires criminelles emblématiques et souvent un peu folles.
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Les soleils noirs d’une société pourrie de l’intérieur
L’Amérique de Ryan Murphy n’est pas celle des familles pauvres du Midwest vues dans Making a Murderer, mais plutôt un agrégat de personnages attirés par la lumière, aussi sombre fût-elle en réalité. Ils et elles incarnent les soleils noirs d’une société pourrie de l’intérieur.
Il y a cinq ans, The People v. O.J. Simpson suivait les aventures de l’ex-star du sport accusée du meurtre de sa femme. En 2018, The Assassination of Gianni Versace dressait magnifiquement le portrait du tueur en série responsable de la mort du créateur de mode.
Cette fois, Sarah Burgess a développé pour Murphy (qui réalise le premier épisode) le récit assez sobre, voire austère, de l’affaire qui conduisit à la fin des années 1990 le président démocrate Bill Clinton jusqu’à l’équivalent d’une procédure de destitution.
Pour la première fois, le personnage principal de l’histoire ne se situe pas du côté de ceux qui font du mal mais plutôt des victimes, même si ce statut a longtemps été difficile à reconnaître pour Monica Lewinsky, stagiaire à la Maison Blanche durant le deuxième mandat de Clinton, dont la relation avec le Président a non seulement provoqué une affaire d’État, mais bouleversé son existence emportée dans un tourbillon médiatique insensé.
Dans les griffes d’un ogre
Ici, certaines scènes marquantes se jouent dans les couloirs de la West Wing et même dans le Bureau ovale, lieux symboliques filmés comme un grand château feutré et sombre, absolument glacial, où la jeune femme fascinée (Beanie Feldstein) tombe dans les griffes d’un ogre au sourire trompeur (Clive Owen, plutôt à contre-emploi).
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D’une manière générale, la série montre à quel point Lewinsky (également productrice ici) était amoureuse et conquise par le Président, mais refuse de les filmer comme un couple, soulignant en creux l’emprise à l’œuvre de la part d’un politicien largement réputé pour ses aventures extraconjugales, plusieurs fois accusé d’agressions sexuelles.
Entre série judiciaire, politique et récit intime
De ce point de vue, la minisérie façonne les portraits parallèles de deux figures symboliquement fortes des dernières décennies : l’homme de pouvoir en position d’en abuser, et la jeune femme ingénue qui devient l’objet de son attention. Située presque vingt ans avant MeToo, Impeachment décrit froidement une atmosphère sociale, politique, genrée, désormais largement remise en question.
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Elle le fait parfois dans une certaine confusion, au point qu’on se demande à certains moments ce que veulent raconter Ryan Murphy et Sarah Burgess, qui semblent viser à la fois la série judiciaire,politique et un récit intime. Il et elle se concentrent parfois de façon un peu artificielle sur les longues et répétitives conversations entre Lewinsky et Linda Tripp, sa collègue qui a révélé l’affaire, semblant tirer à la ligne. Mais il reste le destin incroyable d’une femme dépossédée de son désir, de sa vie même, auquel on ne peut rester indifférent·es.
Impeachment: American Crime Story de Ryan Murphy, avec Beanie Feldstein, Clive Owen, Annaleigh Ashford. Sur Canal+ à partir du 28 octobre.
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