Inspirée de l’histoire de la célèbre bande de voleurs de bijoux d’origine serbe, la série Panthers plonge de manière originale dans les entrailles de la crise européenne.
Parmi les mythes criminels contemporains, celui incarné par les Pink Panthers est peut-être le plus fou, le plus fascinant, mais aussi le plus intrinsèquement lié au Vieux Continent. Cette nébuleuse d’origine serbe, aussi puissante qu’une organisation militaire, fut à l’œuvre dès 1997 dans près de trois cent cinquante braquages essaimés un peu partout en Europe et même jusqu’au Japon. Des rois de l’esquive, obsédés du travail bien fait, capables de ramasser vingt-cinq millions d’euros de pierres précieuses en quelques minutes, sans faire de bruit ou presque. De véritables illusionnistes qui rendaient zinzin les autorités, bref, de parfaits personnages.
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L’ampleur narrative d’une minisérie
Plus qu’un film, il fallait au moins l’ampleur narrative d’une minisérie pour saisir la complexité d’une affaire à la fois très internationale et étalée dans le temps. C’est le format choisi par Canal+ avec la société de production Haut et court (Les Revenants) et d’autres producteurs européens. Leur ambition détonne : proposer une fiction en plusieurs langues, dotée d’un casting capable de séduire ici et ailleurs, sans pour autant crouler sous les compromis. Une sorte d’“europudding” nouveau genre, fondé sur une histoire vraie mais très libre dans son appréciation des faits. Son seul modèle crédible ? Le passionnant Carlos d’Olivier Assayas, qui avait terminé sa course en remportant le Golden Globe de la meilleure minisérie en 2011.
Inspirée par le travail du journaliste d’investigation Jérôme Pierrat, écrite par Jack Thorne, un ancien des excellentes séries anglaises Skins et Shameless, mise en scène par le Suédois Johan Renck (connu notamment pour ses clips d’Hung up de Madonna, She’s in Fashion de Suede, réalisateur de trois épisodes de Breaking Bad), Panthers n’a pas la même veine personnelle. Mais elle reste cohérente.
Destins mêlés
Son intelligence se niche d’abord dans son axe de départ. Plutôt que de suivre benoîtement la montée en puissance des as du crime, la série revendique une identité plus originale. Elle débute par une crise, un crépuscule avant l’heure. Lors d’un braquage à Marseille – impressionnante séquence filmée en continu –, une “bavure” gravissime survient. Le ton est donné. Rien ne sera jamais fluide ou sans douleur, à la fois pour les bandits et pour ceux qui les traquent. Des flash-backs éclairent leurs destins mêlés. Une poignée de flics français (dont Tahar Rahim) et des assureurs britanniques (John Hurt, Samantha Morton) se révèlent presque aussi fous que les voleurs de bijoux, d’ex-soldats issus de l’éclatement de l’antique Yougoslavie.
L’histoire invisible des nations
Sur les pas de ces éclopés dépareillés, Panthers revient sur deux décennies d’histoire européenne faites de guerres, d’argent sale et de trahisons. De Belgrade à Londres en passant par Marseille, la caméra joue à saute-frontières et parvient à rendre palpables les intimités comme l’histoire invisible des nations. “Pour moi, cette série est une réflexion sur les puissances qui nous gouvernent, en tant que personnes et en tant que peuples”, explique le réalisateur Johan Renck. Et le scénariste Jack Thorne d’ajouter : “Nous plongeons nos personnages venus d’univers différents dans le même bain, celui d’une géopolitique complexe. Entre la Serbie, la France et l’Angleterre, Panthers met en jeu la problématique de l’exclusion et de l’inclusion qui se joue aujourd’hui à l’échelle de l’Europe. Qui est dedans, qui est dehors ? On peut penser à la crise grecque.”
Les dégâts du libéralisme le plus radical se font sentir dans chacun des six épisodes, où les coupables ne sont pas toujours ceux qui tiennent les flingues. Une leçon assez éclairante sur les impasses d’un continent.
Panthers à partir du 26 octobre à 20 h 50 sur Canal+
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