La sclérose des séries françaises est récurrente mais des solutions neuves s’imaginent. Les producteurs indépendants mettent la pression sur France Télévisions.
Quelque chose d’un passage à l’âge adulte est en train de se jouer dans ce qu’on appelait autrefois avec une pointe de dépit la “fiction française” et que le bon sens voudrait que l’on nomme aujourd’hui plus simplement “les séries françaises” – oui, elles existent. Du côté des commentateurs, la création récente de l’Association des critiques de séries (ACS, dont font partie certains rédacteurs des Inrocks) a envoyé un signal. Les nominations de son premier prix, qui sera décerné au mois de juin, ont élu comme potentielles séries de l’année Ainsi soient-ils saison 2, P’tit Quinquin, Engrenages saison 5, Le Bureau des légendes et Les Témoins.
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Séries dites “de niche”
On retrouve les producteurs des trois premières dans une tribune publiée à la mi-avril dans Le Monde et sobrement titrée : “Il faut défendre la fiction indépendante française !”. Bruno Nahon (Unité de production, ex-Zadig productions – Ainsi soient-ils), Jean Bréhat (3B Productions – P’tit Quinquin) et Vassili Clert (Son et Lumière – Engrenages) ont cosigné un texte assez inédit dans le paysage français avec Caroline Benjo et Carole Scotta (Haut et court – Les Revenants, Panthers), Arnaud Louvet (Aeternam Films – Virage Nord) ainsi que Marie Masmonteil (Elzévir Films – Le Chien de guerre). Le but ? Mettre en avant l’existence de producteurs de fiction indépendants, sur le modèle du cinéma – la plupart des signataires sont aussi producteurs pour le grand écran – et poser des questions naturelles mais qui continuent à fâcher. En guise de préambule, celle-ci : “Pourquoi la France, qui investit plus de 680 millions d’euros par an dans la fiction audiovisuelle, se montre-t-elle incapable d’assurer le renouveau de ce genre, aux côtés des Etats-Unis, de l’Angleterre et de plus petits pays à audience et moyens de financement réduits, comme Israël ou les pays scandinaves ?”
Pour répondre à la problématique qui concerne tous les acteurs du marché, des diffuseurs aux scénaristes en passant par les réalisateurs, le petit groupe met en cause le cliché selon lequel les producteurs “indés” n’auraient pas la capacité à produire des succès exportables (coucou, Les Revenants) et défend l’idée que les séries dites “de niche” doivent servir de laboratoire à l’ensemble du système, plaçant un peu plus haut le curseur moyen de l’audace. Leur repoussoir, les signataires le nomment “fiction de papa” – en référence au “cinéma de papa”. Autre problématique, celle de l’industrialisation des séries sur le modèle américain, plutôt vue comme un dogme alors que la complexité des enjeux mériterait selon eux une culture de la souplesse et de l’invention permanente.
« Créons de la place aux entrants, jeunes producteurs et jeunes auteurs »
Benjo, Nahon et consorts dessinent ce qui pourrait ressembler à un programme, mettant la pression sur les chaînes en général et sur le service public en particulier (sans le nommer) à travers quelques orientations simples : “(…) Créons de la place aux entrants, jeunes producteurs et jeunes auteurs, avec moins de pression sur le budget et l’audience, favorisons les nouveaux formats (26 min), inventons davantage d’espaces de diffusion, y compris sur la TNT en seconde partie de soirée, prenons le risque de thèmes et d’écritures en rupture avec la télévision du passé, affirmons enfin la logique d’offre et non plus de demande.”
Dans son dossier de candidature à la présidence de France Télévisions, Delphine Ernotte appelait de ses vœux “un pacte de refondation avec la production française” et donnait en exemple les chaînes anglaises ITV et BBC, tout en citant également Borgen. Elle pourrait avoir trouvé des interlocuteurs en phase avec ses ambitions… Reste à savoir ce qui sortira concrètement de ce maelström de bonnes intentions.
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