Disponible depuis hier sur la plateforme du géant du streaming, la nouvelle série Marvel/Netflix est la meilleure série super-héroïque sortie cette année. Sous ses aspects brutaux, « The Punisher » déjoue les attentes et se révèle complexe et passionnante. Voici donc 5 raisons de suivre les aventures du personnage le plus sombre du catalogue Marvel.
1. Un récit palpitant
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Après avoir fait une première apparition dans la seconde saison de Daredevil, The Punisher a donc droit à son propre spin-off. Dans chacune des trois adaptations cinématographiques peu convaincantes qui lui ont déjà été consacrées entre 1989 à 2008, The Punisher se présente sous la forme d’un récit de vengeance personnelle et solitaire. Frank Castle alias The Punisher, ici incarné par Jon Bernthal (Shane Walsh dans The Walking Dead), est un ancien soldat des Forces Spéciales américaines. Lorsque sa famille est assassinée pour d’obscurs raisons, il décide de se faire lui-même justice et de tuer tous les commanditaires du meurtre. Ne croyant plus en la justice de son pays, il adopte une posture pro-death sans appel et ne connait d’autre raison de vivre que la soif de sang, faisant de lui l’un des super-héros les plus sombres et torturés du répertoire Marvel.
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Avec ses 13 épisodes d’une heure chacun, The Punisher est une série plutôt longue dans le paysage actuel. Sa première réussite est de bonifier ce programme de départ un peu simpliste – tuer tous les coupables – pour en tirer l’une des séries les plus haletantes de l’année. Dotée de diaboliques cliffhanger et d’intrigues parallèles intelligemment tissées avec le fil rouge du récit, la série se tient de bout en bout et parvient à boucler chacune de ses cordes narratives, ne laissant rien en suspens pour une éventuelle seconde saison. Mais cette ampleur scénaristique met du temps à se mettre en place. Les trois premiers épisodes peuvent paraître bien flottants. Le Punisher s’y cherche, broie ses idées noires et hésite entre continuer à casser des murs au marteau H24 ou s’associer à un hacker lui aussi animé par un impérial désir de « justice ». Mais une fois passé ce cap, il vous sera difficile de lâcher votre écran.
2. La patte du showrunner d’Hannibal
Cette science du récit et de sa montée en puissance, la série la doit sans doute à son créateur, Steve Lightfoot, déjà showrunner et producteur exécutif de la regrettée série Hannibal (2013-2015). Grand architecte de The Punisher, il parvient à reprendre certaines caractéristiques de son précédent show. Si le plus dandy des serial-killers n’a en apparence pas grand-chose à voir avec le butor de The Punisher, il est amusant de repérer plusieurs points communs entre Hannibal et cette nouvelle série Marvel/Netflix : une esthétique sépulcrale, la violence traitée comme un sanguinolent opéra baroque, une remise en question de la frontière entre le bien et le mal, une propension à filmer avec une sensualité raffinée la nourriture et l’alcool ainsi qu’une vraie subtilité dans la caractérisation de personnages dont les différents points de vue servent de moteur au récit.
Sauf que The Punisher remplace cette capacité d’Hannibal à jongler entre les points de vue de ses personnages par une extraordinaire série de dispositifs de captation contemporains. Caméras de surveillance, de smartphone, de drone ou embarquées sur les casques de soldats en mission jalonnent et rythment la narration aux côtés d’images télévisuelles, de photos ou d’images satellites. L’origine même de toute l’histoire de The Punisher se trouve être l’envoi d’une compromettante vidéo aux autorités qui préférèrent en supprimer tous les témoins plutôt que d’en affronter les conséquences. Si la série ne croit pas en la justice, elle croit profondément dans le pouvoir de l’image, dans sa capacité à aujourd’hui faire office de preuve ou à créer un pont narratif entre plusieurs lieux et différentes temporalités. Magistralement utilisé dans The Punisher, cet arsenal d’images semble être, plus que les thématiques du super-héros, la véritable préoccupation de la série. Il lui confère ses plus beaux moments d’émotion tout comme ses séquences d’action les plus réussies.
3. Chercher le super-héros
Dans un récent interview, Jon Bernthal et Steve Lightfoot déclaraient qu’il n’a pour eux jamais été question de faire de Frank Castle un super-héros. En plus de son absence originelle de super-pouvoir au profit d’extraordinaires capacités de combat, le Punisher de Netflix s’affranchit complètement du comic. Au placard sa tenue ornée d’une tête de mort, il ne l’enfilera qu’une seule fois dans la série. Même sa double identité – qui est d’ailleurs plutôt une absence d’identité – ne tient pas au-delà du troisième épisode. Mais s’il renie les oripeaux du genre, The Punisher touche par-contre en plein coeur de sa thématique profonde, à savoir la capacité d’un individu à rendre justice. Et quelle justice? La sienne? De quel droit? La justice suprême? A quel prix? Autant de problématiques posées tout au long d’une série qui, une fois énoncé sans détour son choquant postulat pro-death, se révèle bien plus complexe et nuancée.
4. Une cohérente BO
Si, sur bien des aspects, The Punisher bénéficie d’une lecture double face, sa bande-originale est d’un seul bloc. Composée par Tyler Bates, guitariste de Marilyn Manson et déjà auteur des partitions des Gardiens de la Galaxie (2014 et 2017), des John Wick (2014 et 2017) et d’Atomic Blonde (2017), la BO donne à la série une texture sombre et maculée de fer rouillé. Si elle navigue entre le free-jazz tribal et la folk américaine teintée d’électro, son noyau dur ressemble à la playlist d’un vieux motard dépressif. Les riffs de guitare et le son d’une harmonica y accompagnent la solitude et le bouillonnant désir de vengeance de l’anti-héros. Ses influences se nichent quelque part entre Nirvana, Rage Against The Machine et Metallica – dont le titre One illustre de sa rage le trailer de la série. L’incapacité à exister du « I cannot live, I cannot die, trapped in myself » scandé par le chanteur du groupe sera reprise dans la série lorsque Frank Castle déclarera « I’d rather be dead than feeling.« . Comme l’illustre Fated, Faithfull, Fatal (Condamné, Fidèle, Néfaste en français), autre titre utilisé dans la série, cette fois de Marilyn Manson, le Punisher traine derrière lui une impossible rédemption.
5. Une série bien moins masculiniste et bébête qu’il n’y paraît
Que ceux qui verront dans les premiers instants de The Punisher la marque d’une série uniquement viriliste, ultra-violente et décervelée se ravisent. Si le show assure son quota de testostérone et de brutalité, il illustre aussi une trajectoire aussi sensible qu’à l’écoute des traumatismes de l’Amérique contemporaine. The Punisher est le récit d’une cicatrisation impossible, celle d’un homme qui préfère se consumer dans la haine plutôt que d’avoir le courage de vivre sa vie, celle d’un pays traumatisé par le terrorisme et les guerres qu’il a mené en Afghanistan et en Irak. Miné par son amour des armes, habité par des familles qui ne peuvent comprendre le stress post-traumatique des soldats, animé par une profonde défiance vis-à-vis du gouvernement et régis par de multiples agences de renseignement, les Etat-Unis y fait figure de territoire en proie à une intranquilité abyssale. Cavalier d’une apocalypse annoncée, le Punisher y dévoile petit-à-petit ses failles et ne cesse de se densifier au fil des épisodes, déconstruisant par étapes « l’idéal » de virilité qu’il semblait incarner. Cette révélation de la brute en homme attentionné se niche dans les détails. On adore par exemple ce moment où, alors qu’il vient de brutalement décapsuler sa bière sur le rebord d’une table, il s’empare du capuchon pour le glisser dans sa poche. Il le mettra plus tard à la poubelle.
Il faut pourtant admettre que Frank Castle est emprunt d’une galanterie old school légèrement passée. Il ne pense pas qu’une femme puisse elle-même réparer la porte de son garage ou rebrancher toute seule son modem internet. Il aime que sa femme lui fasse à manger et lui offre des fleurs en retour. Mais, encore une fois, la série se révèle plus éclairée qu’il n’y parait. Elle donne notamment à voir des soldats d’élite femmes sans que cela soit à aucun moment posé comme une exception par la mise en scène. Le personnage de l’agent Madani y est une femme capable d’affirmer ses désirs sexuels et professionnels sans pincette. Enfin, la représentation du corps masculin y est érotiquement plus exploitée que celle du corps féminin, ce qui suffisamment rare pour être souligné. Outre les multiples plans mis au service du corps bien charpenté de Jon Bernthal, on y voit plus de paire de fesses masculines que féminines. On a compté : deux contre une, qui plus est floutée.
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