En imaginant une histoire de complot dans un régime totalitaire sous influence soviétique, « 1983 », première création originale polonaise de Netflix, témoigne d’un solide savoir-faire en terme d’uchronie mais manque de prises avec les enjeux contemporains du pays. (Spoilers)
Cet article comporte des révélations sur la série 1983.
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Pologne, 1983. Une série d’attentats à la bombe coordonnés entre plusieurs villes entraine un durcissement soudain du régime, déjà sous emprise russe. Vingt ans après, le pays est administré d’une main de fer par un gouvernement totalitaire, et l’URSS existe toujours.
1983, première création originale Netflix en Pologne, ne cache pas sa révérence pour le quasi-homonyme 1984 de George Orwell, chef-d’oeuvre de la littérature dystopique. Mais en construisant une réalité alternative issue d’une bifurcation imaginaire du passé, elle se rattache plutôt au genre de l’uchronie, et ne pousse pas aussi loin les curseurs du contrôle étatique : si le peuple est effectivement pris en main dans sa chair, les esprits gardent une certaine marge de liberté à même d’en fragiliser les fondations.
Une plongée dans une Pologne totalitaire et hantée
L’intrigue suit trois fils narratifs parallèles qu’elle finira par entrelacer. Un enquêteur tente de faire la lumière sur le suicide d’un jeune homme, le dernier d’une longue série, dont le dossier de police a été classé à un très haut niveau de confidentialité. Un professeur de droit remet à un étudiant idéaliste les archives d’une vieille affaire juste avant d’être assassiné. Dans les bas-fonds de la ville, un groupe de révolutionnaires prépare un attentat.
Codifiée dans son imaginaire mais soignée terme d’ambiance, la projection d’un régime totalitaire où les habitants auraient troqué leur liberté contre le confort, la paix et la sécurité est plutôt soignée. Parfois caricaturale dans sa description des mécanismes de l’oppression, elle puise avec intelligence dans l’histoire mouvementée du pays (depuis les massacres de la Seconde Guerre mondiale aux opérations du KGB) la matière première de son architecture de cauchemar.
Un récit frileux dans son approche des enjeux contemporains du pays
Le plaisir s’effrite néanmoins face à une impression tenace de déjà-vu : combien de fiction situées dans les pays d’Europe centrale ou de l’est continuent de convoquer les fantômes de la Guerre froide pour aimanter leurs récits ? Presque trente ans après la chute du Communisme, et même si son empreinte reste profonde, les enjeux de ces nations se sont déplacés. En ignorant par exemple la montée des extrêmes ou la méfiance grandissante par rapport à l’Union européenne, 1983 maintient à distance les questionnements actuels de la Pologne pour évoluer dans une zone de confort à moindre teneur politique.
On reste cependant sensible à sa manière d’imaginer une jeunesse sans idéal ni perspective, dont le malaise trouve sa résolution soit dans la lutte armée (voire le terrorisme), soit dans le suicide (idée également travaillée cet automne dans la série française Ad Vitam). Dommage que cette acuité n’imprègne pas les ramifications plus ouvertement politiques de la série.
1983, disponible le 30 novembre sur Netflix.
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