Le magazine précurseur centré autour d’une volonté de diversité a aujourd’hui un quart de siècle, et renoue ses vœux d’ouverture sur le monde.
Si aujourd’hui, les notions d’inclusivité, de multiculturalisme et de mixité occupent une place grandissante dans la mode, c’était loin d’être le cas quand le magazine indépendant bi-annuel Mixte s’est lancé. Nous sommes en 1996 quand la publication lancée par Tiziana Humler et qui conjugue critique culturelle rigoureuse, conscience sociale et avant-garde mode naît avec pour slogan “Liberté, Égalité, Mixité”.
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Les Inrocks ont rencontré son rédacteur en chef, Antoine Leclerc-Mougne, dont le regard scelle une dimension intersectionnelle et queer dans les pages d’une des dernières destinations de presse mode indépendante en France.
Vous avez adopté une volonté de multiculturalisme et de métissage avant même que l’industrie s’en saisisse. À quoi ressemblait l’époque quand le magazine s’est lancé ?
Antoine Leclerc-Mougne – Naomi Campbell a été sur une de nos toutes premières covers, ce qui était encore chose rare au début des années 1990. Elle signait moins de contrats beauté, apparaissait dans moins de campagnes et de couvertures, ce n’est que par la suite qu’elle a explosé. Chez Mixte, il y a tout de suite eu, naturellement, instinctivement, une volonté de mixité, dans les genres, les origines, dans la volonté de donner une plateforme à de nouvelles voix et générations. Alors les mots “Liberté, Égalité, Mixité” se sont imposés comme une devise pour ce numéro, une place qu’on voulait créer, une ouverture, un espace de prise de parole de tous les milieux.
Comment avez-vous abordé le contenu de ce numéro anniversaire ?
Il y a eu plusieurs angles majeurs : d’abord la question du couple : ce que veut dire faire couple en 2021, en regard de la notion du foyer autant que de celle de polyamour. On a aussi examiné l’idée de la crise du quart de vie, puisque le magazine fête ses 25 ans. Qu’est-ce que cela signifie d’avoir 25 ans ? C’est un anniversaire symbolique. On s’est aussi concentré sur de vraies enquêtes, de vrais décryptages : on a fait une interview avec l’autrice Fatima Daas, un sujet sur Iddris Sandu, architecte de la tech qui fait des algorithmes pour mieux démocratiser la technologie. On a aussi rencontré Bonnie Banane et Garance Marillier, fait paraître des écrits sur la notion de masculinité noire et queer, sur la mode d’Afrique de l’Est. Puisqu’on fait un numéro tous les six mois, que c’est un objet que l’on garde, comme une photo de l’époque, j’aimerais penser ce magazine comme un miroir des problématiques d’un moment donné.
Comment prenez-vous position lors de problématiques sociales, en tant que magazine de mode ?
Par exemple, après le meurtre de George Floyd et la période qui a suivi, on ne pouvait pas ne rien dire, ne rien faire, alors on a essayé de décrypter le racisme systémique qui perdure dans l’industrie de la mode. J’essaye de conserver un regard critique, alerte. De plus, je veux apporter une dimension politique au sens large à la couverture de la mode en donnant un contexte, une histoire. En couvrant les élections américaines par exemple, il était important de préciser que le choix de la teinte violette portée par Kamala Harris lors de l’investiture de Joe Biden était une référence aux Suffragettes qui manifestaient pour le droit de vote. L’idée est de prendre du recul et de toujours rester critique.
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