Le fondateur de la nouvelle revue du Vertbois s’interroge sur la place du voisinage et du quartier à l’heure de la mondialisation uniformisée.
Entre Arts et Métiers et République, se trouve le quartier du Vertbois, qui vit aujourd’hui un nouvel essor, la vie de quartier y est florissante : commerces indépendants, boutiques de niches, tables fameuses… Au milieu de cette impulsion (que l’on peut attribuer en partie à l’investissement du fond Patrizia sur cette petite région) se démarque le magazine du Vertbois de Thomas Erber, directeur artistique et rédacteur. Une façon pour ce dernier de questionner la place du voisin, de la proximité dans la métropole. Discussion de proximité.
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Quel fut le but initial du magazine du Vertbois ?
L’idée a tout de suite été de créer un vrai magazine de qualité, presque “à l’ancienne”, si je puis dire. Avec une rédactrice en chef (Kate Van Den Boogert), un directeur artistique (Pierre P. Marchal) ainsi qu’une véritable équipe rédactionnelle. Le but étant de fabriquer presque artisanalement un outil de communication et également d’information de grande envergure, et ce avec intégrité. Et de fait nous avons réussi à sortir un magazine de haute volée dont l’épicentre rédactionnel est constitué par un petit village parisien localisé entre Arts et Métiers et la place de la République, quelque part entre les rues du Vertbois, de Volta et Notre Dame de Nazareth. J’ai toujours pensé que l’une des seules réponses à la globalisation était l’ultra-régionalisation. Et nous y sommes ainsi – en plein dans les deux pour le coup !
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Que vouliez-vous raconter, communiquer, intellectualiser autour de ce quartier ?
Il y avait plusieurs choses qui nous tenaient à cœur. D’abord fédérer autour de ce quartier, mais d’une manière certes sincère mais œcuménique en quelque sorte, et qui réunirait au fil des numéros la plupart des protagonistes de ce quartier (commerçants, riverains, associations… ) d’une manière ou d’une autre. L’idée de montrer un visage de Paris situé presque hors de la mondialisation uniformisée, et représentant une forme de gentrification intelligente et sensible où l’humain demeurerait au centre du dispositif.
Comme dans un village en somme, ou dans l’image romanesque que l’on peut s’en faire. Car cela me semble le plus important à une époque qui, via l’essor du digital, se déshumanise logiquement de plus en plus. Et si l’on n’y prête pas attention aujourd’hui, il ne faudra pas se plaindre des conséquences d’un tel virage dans un futur proche. L’autre jour, j’écoutais ce morceau assez génial de R.Wan (featuring Salif Keita), Des Humains, dont le refrain répète laconiquement “des humains, des humains, des humains, déshumanisés”, et j’en avais la chaire de poule parce que, parfois, je me dis qu’on devrait vraiment être plus vigilant avec tout cela. Il suffit de passer trois jours sans son téléphone portable pour s’en rendre compte. Dès la deuxième journée, on se demande pourquoi on y consacre autant de temps, et on constate comme l’on vit mieux sans. Une autre chose qui nous paraissait importante, aussi, c’était de montrer que tous les quartiers ne se ressemblent pas fussent-ils aussi concentrés dans un si petit espace. Parce qu’il me semble que la diversité des gens, comme des quartiers, des villes, est ce que notre humanité a de plus singulier et que nous devons conserver. Ça n’est pas une option !
Qu’est-ce que l’on apprend sur le rapport au quartier, au voisinage, aux voisins en feuilletant les pages de ce magazine ?
Il faudrait plutôt poser cette question au chercheur Carlo Moreno qui, via une théorie axée sur “l’hyper proximité” et la décroissance du rythme frénétique de notre mode de vie “en ville“, élabore de nouvelles pensées, destinées à nous aider à mieux vivre justement notre quotidien urbain.
Et c’est une source de réflexions passionnantes à avoir en tête en permanence. Vous savez, je crois que le pire, c’est de rester à sa fenêtre pour regarder les vélos passer. Ce que les réseaux sociaux nous incitent, finalement, sans même qu’on s’en rende forcément compte, à faire. Nous vivons une époque formidable où le débat d’idées semble revenir sur le devant de la scène. Et ce qui en sortira va nous bouleverser d’une manière dont nous n’avons pas encore idée aujourd’hui. Et l’après Covid va accélérer ce processus.
Je crois sincèrement que la tessiture des quartiers, la solidarité qui peut s’y développer entre êtres humains, l’incroyable vecteur de communication et de changements positifs qu’ils peuvent être – si l’on s’y active avec humilité et convictions humanistes – peuvent devenir une merveilleuse fenêtre ouverte sur notre avenir et générer un espoir de transformation positive incroyable pour le monde de demain.
Quel genre de pensées et d’échange le Covid a-t-il généré avec un peu de recul ?
Personnellement, je trouve qu’il est encore prématuré de parler de cela. Le Covid n’est pas si éloigné et pour l’instant, j’ai surtout l’impression que, un siècle après la première vague, tout le monde se lâche dans un genre de “Roaring Twenties post modernes“ qui en dit long sur le besoin des gens de lâcher prise après les dix-huit mois infernaux que nous venons tous de traverser – du moins pour ceux et celles qui ont eu la chance d’en sortir vivant et en bonne santé.
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