Choupette géante, réplique de l’uniforme noir et blanc de Karl Lagerfeld et hommage à l’esthétique 1990 de Chanel : les invités du MET Gala 2023 retiennent la dimension pop du couturier controversé disparu en 2019.
Enveloppé dans une cape cocon en soie embellie de 30 camélias, recouvrant une robe opaline dotée d’une traîne de cinq mètres, Rihanna clôture en Valentino le bal des célébrités en perle, mitaines de cuir et tweed, venues s’exposer sur le tapis du MET. Le thème pour cette 70e édition : “Karl Lagerfeld : a line of beauty”.
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Malgré son retard, Rihanna valide l’exercice, vêtue d’un modèle inspiré de la collection couture Chanel automne hiver 2007-2008 ayant nécessité le travail de 30 couturières. Un parfait équilibre entre moment pop et artisanal, qui confirme son statut de personnage de la mode. Un bel hommage à l’homme-image Lagerfeld ?
L’événement donne à la mode sa dimension spectaculaire, 420.4 millions de MIV (Media Impact Value) en 2022, le MET est commenté de Twitter à Instagram qui documente les looks et les moments LOL. Les variantes de Choupette, la chatte de Karl Lagerfeld suivie par plus de 195K sur Instagram se multiplient : version marionnette géante pour Jared Leto en Karl Lagerfeld, couture avec Doja Cat en Oscar de la Renta ou surréaliste avec Lil Nas X au corps recouvert de strass argentés. Des hommages qui rappellent la dimension publique de Lagerfeld, s’étant forgé au fil des années un personnage cité avec les cheveux poudrés de Cardi B ou de Marion Cotillard, la chemise blanche à haut col de Cara Delevingne ou le sac “Karl Who ?” arboré par le designer Olivier Rousteing.
Dominé par une palette entre noir, blanc et gris perle, le vestiaire des invités alterne entre des looks coutures inspirés de la maison Chanel pour laquelle le créateur a œuvré entre 1983 et 2019, mais aussi quelques silhouettes Fendi – où il entre en 1965, et Chloé où il passe la décennie 1970.
La figure du créateur et ses croquis
La carrière de Karl Lagerfeld décolle en 1954, alors qu’il remporte à 21 ans le prix Woolmark avec un manteau jaune – relu par Bode et porté par Aurora James sur le tapis du MET Gala. Dans une lettre envoyée à sa mère à l’époque, il explique être bien meilleur qu’Yves Saint Laurent, et avoir gagné le prix grâce à la qualité de ses croquis qui exposait le devant et le derrière des pièces – contrairement à ceux de Saint Laurent ne représentant que l’avant. Ce fait, relevé par le conservateur Andrew Bolton fut l’un des points de départ pour penser cette large rétrospective constituée de 150 silhouettes.
“Le croquis était à la fois le principal mode d’expression créative de Lagerfeld et son principal mode de communication”, note Andrew Bolton dans un communiqué adressé à la presse.
Ainsi une galerie est dédiée aux premières d’atelier, figures centrales dans le passage du vêtement des croquis 2D au 3D textile, représentés dans les films documentaires réalisés par Loïc Prigent entre 1997 et 2019.
Sur le tapis rouge, le travail de couture de Lagerfeld se devine dans les hommages Valentino, ou Oscar de la Renta, mais aussi dans les relectures des pièces imaginées pour Chanel dans les années 1990 : Anne Hathaway en Versace inspirée du défilé 1994, mais aussi Bad Bunny en costume dos nu Jacquemus, clin d’œil au travail du dos du couturier.
Marionnette publique
Mais c’est également la dimension publique de Karl Lagerfeld qui a inspiré les célébrités. Proche de l’artiste ayant élevé la pop en art, Andy Warhol, Lagerfeld est un créateur qui a su jouer avec ses reflets publics. Ainsi plusieurs célébrités ont mis en scène leurs passés médiatiques : Nicole Kidman cite simultanément son statut d’actrice et d’égérie mode pour le parfum n° 5 dans une robe couture rose poudré surmontée de plume. À l’époque, la publicité réalisée par Baz Luhrmann se lit comme un prolongement du film Moulin Rouge. De son côté, Kim Kardashian arbore une robe sur mesure brodée de perles signée Schiaparelli par Daniel Roseberry, et cite son shooting Playboy réalisé en 2007 et documenté dans sa téléréalité Keeping Up with the Kardashians. À l’époque, sa carrière explose à la suite de la diffusion de sa sextape. Elle représente l’entrée dans l’ère de l’image-célébrité, connue pour être connue.
Loin d’être réduit à son statut de star, le tapis rouge comme l’exposition, rappelle la carrière prolifique de Karl Lagerfeld ayant renouvelé la couture et le prêt-à-porter articulant classicisme et pop, minimalisme et rococo, refus de la nostalgie et goût pour l’historicisme.
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