Connue pour ses ensembles de soirée spectaculaires, elle a habillé Grace Kelly ou Hillary Clinton tout en travaillant les stéréotypes occidentaux concernant la mode orientale.
Reconnue mondialement comme membre du cercle fermé de la haute couture parisienne, la styliste est morte le 11 août à son domicile de Tokyo, à l’âge de 96 ans, selon l’agence de presse Kyodo News.
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À la tête d’une marque comptant plus de 70 boutiques dans le monde au tournant des années 2000, ses vêtements fait main et mettant à l’honneur l’artisanat japonais ont marqué le paysage eurocentré de la haute couture à la fin des années 1970 : “Son style hybride ne peut être simplement associé à un territoire spécifique, il appartient au monde”, écrivait en 1995 les conservateurs Harold Koda et Richard Martin dans leur ouvrage Orientalism: Visions of the East in Western Dress.
Une première carrière de costumière de cinéma
Née le 8 janvier 1926 dans une zone rurale de l’ouest du Japon, elle est étudiante en littérature à l’Université chrétienne des femmes de Tokyo alors que le Japon s’engage dans la Seconde Guerre mondiale — un récit qui marquera sa mémoire. “Ayant vécu l’expérience de la guerre en tant que jeune adulte, je sais que je peux tout faire”, expliquera-t-elle à l’historienne de la mode Yuniya Kawamura.
À 25 ans, elle ouvre une première boutique, encouragée par son époux Ken Mori, cadre dans l’industrie textile. Mais c’est en tant que costumière pour le cinéma japonais qu’elle imposera son nom — avec plus d’une centaine de films à son actif. En occident, son talent sera reconnu à la fin des années 1970, alors que les scènes mode s’ouvrent progressivement à de nouveaux et nouvelles créateur·trices. En 1977, elle est admise à la Chambre Syndicale de la Couture Parisienne, l’échelon le plus élevé de la mode française, et reçoit la Légion d’honneur en mars 1984 pour sa contribution au rayonnement du prestige parisien. “Les couturiers français font fortune au Japon. Pourquoi ne pourrais-je pas faire ça à Paris ?”, commentera-t-elle.
Une nouvelle image du Japon et de la mode orientale
De longues robes de cocktail en soie ornées de fleurs de cerisiers et de larges kimonos décorés de papillons composent la première collection de la créatrice, présentée à New York en 1965. Intitulé “Orient meet Occident”, le défilé contient les motifs distinctifs qui caractériseront les designs de la créatrice pendant les quatre décennies suivantes.
Le dialogue entre la tradition japonaise et les techniques de couture françaises marque son travail, selon la critique mode Suzy Menkes, qui écrira dans le Herald Tribune en 2001 : “Comme les couches de kimonos en pelure d’oignon, Madame Mori dissimule un savoir-faire derrière un autre.”
Pour l’historienne de la mode Yuniya Kawamura, il est important de noter qu’Hanae Mori contribue à remettre en question l’image négative de la femme japonaise en Occident. “Lorsqu’elle a vu l’opéra Madame Butterfly à New York lors de sa première visite en 1961, Mori a été dévastée de voir à quel point le portrait des femmes japonaises était pitoyable et à quel point les Américains connaissaient peu le Japon. En tant que designer, elle s’est alors juré de changer cette image.”
Simultanément créatrice de haute couture adoubée par la mode parisienne (Karl Lagerfeld la salue dans la salle après sa première présentation Chanel en 1983) et cheffe d’entreprise, son parcours participe, en soit, à créer une nouvelle esquisse de la femme japonaise dans la mode occidentale et donne à réfléchir sur les stéréotypes nationaux.
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