La diversification des corps fait enfin son apparition sur les plus podiums les plus intouchables. Une première dans un milieu qui sacralise habituellement l’extrême minceur.
Le 3 mars dernier, lors du défilé automne-hiver 2020-2021 Chanel, une figure a émergé sur le podium, tranchant avec les corps filiformes auxquels la mode nous a toujours habitués. Il s’agissait de Jill Kortleve, mannequin d’une plus “grande taille” que la “norme” définie par le monde de la mode. Une première pour la maison qu’elle représentait.
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Lorsque le secteur de la mode a longtemps fait de l’extrême minceur son standard indiscutable, Jill Kortleve est apparue cette même saison dans les shows de pontes comme Valentino, Alexander McQueen ou Mugler. Un graal qu’elle n’a pas été la seule à atteindre. La top, et actrice, plus size Barbie Ferreira est ainsi devenue l’égérie de la nouvelle campagne Jacquemus tandis que Paloma Elsesser, aux formes qu’on aurait qualifiées de “généreuses” en d’autres temps, apparaissait en couverture de Vogue.
Une montée en puissance des combats contre la grossophobie
Jill Kortleve, Barbie Ferreira et Paloma Elsesser incarnent ainsi la tendance size inclusive, qui lutte pour une plus grande offre chez les marques (qui s’arrête souvent au large) et pour une mise en lumière de corpulences plus diversifiées. Jusqu’alors, cette remise en question restait marginale, limitée à une poignée de créateurs indépendants engagés sur la question comme Ester Manas, ou, au contraire, par des marques de fast fashion, en grande partie exclues de la psphère du luxe traditionnel.
Pour Serge Carreira, maître de conférence en mode et luxe à Sciences-po Paris, ce que l’on nomme surpoids (et qui représente un large éventail de corps) a souvent été “stigmatisé comme une négligence de soi, alors que la minceur était intimement liée à une bonne hygiène de vie et à une discipline. La tendance actuelle va vers un certain hédonisme, avec une idée de bien manger et non tournée autour de la privation”.
L’étiquette “grande taille” est à peine au-dessus de la taille moyenne des femmes françaises
Cette tendance se fait jour avec l’arrivée de mannequins comme Ashley Graham, qui devient une des mannequins les mieux payées du monde en 2017, tout en étant écartée de la haute couture. Puis c’est au tour de la beauté – avec des marques comme Fenty Beauty ou Glossier – de montrer une plus grande diversité dans les corps, les apparences, les identités. Ces labels répondent à la montée en puissance des combats contre la grossophobie, et à la lutte pour la body positivity, que les réseaux sociaux, devenus prescripteurs, s’emploient à mettre en valeur.
Pour le luxe, c’est le signe qu’il faut se mettre à l’écoute d’un public qui intègre les mouvements sociétaux émergents. “Il y a moins de médiation entre les marques et leur public, avec lequel elles intéragissent aujourd’hui de façon directe. On est dans une relation plus équilibrée qui prend en compte les demandes de diversité.”, ajoute Serge Carreira
Dans The Beauty Myth, Naomi Wolf écrit : “Une société obsédée par la minceur n’est pas une société fascinée par la beauté, mais fascinée par l’obéissance.” Alors que l’étiquette “grande taille” est à peine au-dessus de la taille moyenne des femmes françaises, aller vers plus d’inclusivité est l’indice prometteur d’un refus d’obéissance.
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