C’est peut-être le futur gagnant de Top Chef 2024. Peut-être celui qui a le plus tapé dans l’œil de la cheffe Dominique Crenn. Assurément l’une des stars de cette saison 15.
Valentin Raffali, 28 ans, n’est pas un total inconnu dans le monde de la gastronomie. Avant d’enchaîner les épreuves devant les caméras de M6, le Marseillais avait déjà réveillé le palais de journalistes gastro aguerris avec sa table Livingstone, rue Crudère à Marseille. Une adresse née d’une résidence au Chardon à Arles, et dans laquelle on cuisine entre potes, au barbeuc et en écoutant du bon son : Kid Cudi, The Smiths, André 3000, Kamaal Williams… Résultat, en 2022, son resto qui braise à tout va récolte le prix de bar à délices du Fooding 2022, avant de taper dans l’œil du casting de Top Chef.
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Tout n’a pourtant pas été si linéaire pour Valentin. Le jeune chef tatoué s’est battu alors qu’il n’était qu’enfant contre un cancer et a perdu son père lorsqu’il n’avait que 8 ans. “Je ne fais pas partie de l’équipe ‘balade en forêt’, mes premiers pas dans la cuisine, c’est ma mère qui m’appelle depuis le boulot pour me dire de mettre une casserole avec de l’eau sur le feu.” Alors qu’il ne rêve que de faire du skate avec ses potes, la gastronomie commence à le titiller. “À la maison, les meilleurs moments qu’on avait, c’était autour de la table. On n’a jamais mangé avec beaucoup d’opulence, mais quand on mangeait, c’était toujours un bon moment”, se souvient-il. “J’adore manger, mais j’ai une relation super particulière à la bouffe, j’aime pas manger seul, j’ai pas de plat préféré, ce que j’aime c’est quand il y a plein de plats sur la table qu’on partage tous ensemble. C’est l’été, il y a du vin un peu nul, je veux juste que tout le monde se sente bien.” D’ailleurs Valentin ne cuisine jamais pour lui, ou alors dans un contexte assez particulier : “Je fais un truc un peu chelou, mais je ne mange que du riz, blanc, presque pas assaisonné ni rien. Je trouve que ça apporte beaucoup d’humilité que de manger quelque chose de très simple. Ça dérange mon cerveau. Manger quelque chose de très simple, ça m’aide à être créatif. Chez moi, le besoin créatif vient d’un sentiment de manque que j’ai. Maintenant que j’ai compris comment je fonctionne, je le reproduis.”
Vœu d’indépendance
C’est un besoin de liberté qui lui presse le pas et le pousse dans les cuisines du MOF Serge Chenet et de son fils Maxime. “À 14 ans déjà, j’avais un vœu d’indépendance. Faire un apprentissage en cuisine, c’était pour moi arrêter de demander la permission.” Là-bas, dans un cadre où la discipline est de mise, il apprend la robustesse, la loyauté, à gérer ses émotions et à comprendre le sens des choses. Surtout, il se construit des bases solides. “Ce sont des cuisines qui n’existent plus aujourd’hui. Verbalement, ce n’était pas la même chose. J’ai tenu. Maintenant, c’est ok socialement d’arrêter, on ne parle plus d’abandon. Quand on interrompt un contrat, on se dit juste que l’environnement n’est pas adapté. Ils m’ont appris à questionner ce que je fais. Ça a tout changé : je suis passé d’un ado qui aimait le skate, ses potes et un peu la cuisine, à un jeune qui avait des responsabilités.”
Comme d’autres chef·fes avant lui, la suite de son parcours se dessine à l’étranger, à 15 000 km de ses potes. Mais à rebours de ses pairs qui cherchent à y découvrir de nouvelles techniques, à tester des produits inconnus, Valentin, qui parle “vite fait anglais”, trouve du boulot dans le marketing à Sydney, vend des parfums au porte-à-porte. L’expérience dure un an. “J’avais envie de voir ce que c’est de travailler dans autre chose. Et socialement, c’était très riche.” Qu’il s’agisse de food ou de cosmétiques, le Marseillais se donne toujours à fond dans ce qu’il entreprend, peut-être parfois trop. “C’est la malédiction des créatifs. Si t’es en capacité de créer, t’es en capacité de t’autodétruire aussi. Je m’oublie tout le temps. Je m’abandonne à ce que j’aime.”
Tour du monde
C’est finalement en revenant en Europe que les choses changent vraiment pour lui. Il débarque sans un sou en poche à Wareham, dans un coin paumé du sud de l’Angleterre, où il est logé et travaille dans un étoilé très traditionnel. Français, on le cale à la fabrication du pain, mais Valentin, qui a accumulé de la frustration, bouillonne. Une engueulade de trop et le voilà en Suisse dans les cuisines de son pote Julien. Il fait du ski, cuisine, boit de la bière et enchaîne les épisodes de Game of Thrones. Il se remplume, digère l’Australie et retourne chez lui auprès de son cercle d’ami·es.
De retour à Marseille, la Mercerie, qui vient à peine d’ouvrir à côté de chez lui, lui tape dans l’œil. Un soir, il finit par toquer à la porte du restaurant. Harry (Cummins) lui ouvre. “C’était tellement le kif. On parlait anglais, on mettait du son, on cuisinait en tee-shirt. Il y avait tout ce que je recherchais sans le savoir. C’est là que je deviens vraiment cuisinier.” Après deux ans à la Mercerie, Harry embarque Valentin à New York où il officie en tant que chef exécutif. Le peu de temps qu’il lui reste à la fin de son service, il le passe dans les musées, arpente les couloirs du Guggenheim et du MoMA, découvre Basquiat, tombe amoureux de Klein. “C’est là que je capte que j’ai un rapport particulier à la couleur, et que je suis fasciné par le formol. Ça a eu un énorme impact sur ma cuisine, j’ai compris que j’aimais la brutalité des choses. C’est comme ça que Livingston est né. À New York, je me sentais indépendant, j’avais la liberté d’aller au musée, de sortir, de tomber amoureux.”
“Chez Livingston, l’écosystème est fait pour que tout le monde puisse s’exprimer”
Quand l’expérience américaine s’arrête, Valentin enchaîne avec une résidence au Chardon à Arles, une table de chef·fes fondée – comme la Mercerie – par Julia Mitton, Harry Cummins et Laura Vidal. Harry n’est jamais bien loin. Alors qu’ils boivent des bières à Marseille, les deux chefs dénichent le coin rêvé, Harry s’occupe de l’admin, Laura des vins, Valentin devient directeur artistique et nomme cette nouvelle table marseillaise Livingston, en hommage à son livre de chevet Jonathan Livingston le goéland de Richard Bach, “l’histoire d’un goéland qui décide de se barrer et de vivre sa vie”.
Livingston s’ouvre avec un parti pris fort, lié non pas à un désir stratégique, mais d’une contrainte, celle d’une toute petite cuisine. Puisque la capacité de gaz est réduite, et l’électricité difficile à mettre en place dans cette vieille maison marseillaise, le chef décide de tout cuire au barbeuc et de proposer à la carte une cuisine libre qui tranche – certain·es diraient clivante − et des goûts bizarres, différents et particuliers : des têtes de canard garnies au kimchi et aux haricots noirs, des pouces-pieds, rognons et tripes, des assiettes qui rendent le laid beau, des produits fermentés, et beaucoup de poisson. “Chez Livingston, l’écosystème est fait pour que tout le monde puisse s’exprimer. La création de menu se fait en équipe, en partage. Je suis toujours ouvert aux mauvaises idées.”
“Chez moi, le processus créatif est toujours allumé, mais ce n’est pas un processus de cuisinier… Ça peut être le parfum de quelqu’un, un souvenir. Je prends toujours des notes, j’ai peur d’oublier.” C’est le téléphone de Valentin qui est le réceptacle de son tourbillon créatif : au total, son iPhone cumule 1001 notes d’envies, d’idées… Des notes pour l’inspiration et de la musique pour se mettre dans l’ambiance. Sur Spotify, Valentin multiplie les playlists (rendez-vous ci-dessous pour écouter la playlist que Valentin a réalisée pour les Inrocks !) et sélectionne des titres qui marquent sa vie et témoignent de ses humeurs, saison après saison. “Grâce à la musique, je me mets en condition pour travailler. Si je fais du poisson, je vais chercher à écouter quelque chose de très atmosphérique comme du Aphex Twin. Quand j’ai besoin d’une énergie collective, je mets du Joy Division.”
Un diesel chez Top Chef
Une cuisine effervescente et des assiettes acérées qui ont fatalement tapé dans l’œil des équipes de Top Chef. Depuis le début de l’émission, le jeune chef, motivé par le challenge de l’aventure, a réalisé un entremet à la poire recouvert d’une coque en chocolat, un cheeseburger végétal avec un faux bacon ultra-croustillant réalisé à partir de feuilles de riz et d’un mélange de haricots rouges et graines de lin…
Pour le Marseillais, deux rencontres ont réellement marqué son passage dans l’émission de M6 : son amitié avec Jorick Dorignac de la brigade orange, et l’épisode avec le chef Yannick Alléno. “C’est le moment où je suis vraiment rentré dans le concours. J’ai été un diesel dans Top Chef. J’ai eu beaucoup de mal à rentrer dans le jeu à cause de mon anxiété. J’espère que les téléspectateurs ont une Ventoline ! Avec la confirmation d’Alléno, je me suis enfin senti cuisinier. À partir de là, les choses ont changé.”
La playlist de Valentin pour les Inrocks :
Suite à la Saison 15 de Top Chef, Valentin Raffali est parti explorer d’autres territoires culinaires, Livingston s’est donc transformé en lieu de résidence pour que les chef·fes puissent cuisiner en musique et en liberté à quelques mètres de la mer.
Livingston, 5 rue Crudère 13006 Marseille
Top Chef saison 15, tous les mercredis à 21h10 sur M6
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