Réalisé en collaboration avec les éditions Dargaud, “les Inrocks” et “Radio Nova”, ce podcast en 5 épisodes invite les auteur·trices de bandes dessinées à discuter autour d’une thématique sociétale. Rencontre avec l’auteur du podcast et journaliste Vincent Brunner.
Présidentielle, législatives… L’année 2022 était chargée en actualités politiques, cela a motivé l’idée du podcast ?
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Vincent Brunner – J’ai eu l’idée du podcast sur la BD politique avant 2022. Certes, ce premier semestre a été chargé en sorties de bandes dessinées politiques, il n’y avait presque que ça, donc ça a accéléré mon envie de créer mon podcast et de le proposer à Radio Nova. Il y avait la sortie de Carnets de campagne qui suivait la campagne présidentielle, c’était une sortie phare et pouvait servir de vitrine pour La Lutte des cases. Il y a une escalade dans la BD politique ces dernières années, que ce soit de manière frontale mais également au sens large, lorsque la politique s’insère dans la fiction. L’élection présidentielle c’était le bon moment pour commencer La Lutte des cases.
Comment expliquez-vous le succès de la BD politique ?
La BD politique s’inscrit dans une tendance lourde, celle de la “BD du réel”. Un terme fourre-tout qui englobe l’investigation, avec La Revue Dessinée de Mediapart par exemple, ou le documentaire. La production de BD politique est en expansion, je lis des bandes dessinées depuis plus de 30 ans et il n’y en a jamais eu autant. Cet angle documentaire-politique a créé un cercle vertueux de grands succès de librairie et amené de nombreuses maisons d’édition à se tourner vers ce genre de bandes dessinées. Ce qui a mené les lecteurs à consommer de plus en plus de BD politiques. Alors effectivement, on peut également parler de politique par le biais de la fiction et c’est aussi important de les inclure dans le podcast. Le but ici n’était pas seulement de parler de BD documentaire mais d’aller plus loin avec diverses thématiques abordées.
Les auteur·trices et dessinateur·trices ne font pas de cadeaux à Emmanuel Macron, ni aux autres politiques en général. À votre avis, la BD politique est un contre-pouvoir ?
Il y a de plus en plus de bandes dessinées politiques et le champ d’investigation s’élargit. Avec Algues vertes, l’histoire interdite, Inès Leraud et Pierre Van Hove proposent une enquête faite en BD accessible au plus grand nombre et ça marche. C’est un format qui se prête bien à ce genre de démarche politique. On sait que la plupart des journalistes dépendent de grosses rédactions qui elles-mêmes dépendent de gros groupes et ne sont pas, par conséquents dépendants. En cela, la BD est un contre-pouvoir puisqu’elle permet une enquête au long cours qui théorise un propos allant sur 100 ou 200 pages, ce qui est bien plus intéressant qu’un papier de deux pages.
Est-ce que la BD est le medium le plus pédagogue pour parler de politique ?
Entre un essai de 500 pages et une bande dessinée de 150 pages, on devine lequel sera le plus facile à lire. La bande dessinée devient un moyen de s’informer différemment dans une époque où l’on est asséné dans tous les sens d’informations, parfois fausses. Une BD permet un propos détaillé, avec du recul. Dans le genre de la “BD du réel” il y a parfois des BD qui parlent de politique de façon ennuyeuse. Il ne suffit pas de transposer un article, le résultat doit être intéressant. Ce qui est souvent le cas puisque les dessinateurs apportent du rythme en s’emparant du réel, en transformant le propos en image et en métaphore. Les images s’imposent à nous et soutiennent la démarche politique.
Ce n’est pas trop compliqué de parler d’un art visuel à travers un podcast ?
Effectivement, c’est une difficulté de raconter quelque chose qui se lit. L’intérêt du podcast est aussi de donner la parole à des auteurs sur un temps long, comme ils peuvent en avoir l’occasion durant des masterclass, des rencontres. En radio, leurs propos vont être saucissonnés et les chroniques vont venir s’intercaler. Le temps long des podcasts permet aux auteurs et autrices d’expliquer leur démarche. Il est essentiel de cerner l’engagement derrière l’écriture. Parler seulement de la BD c’est bien, mais quand on peut aller plus loin avec les auteurs ça devient vraiment intéressant. Les invités de la première saison sont très contents d’avoir eu ce temps, cela leur a permis d’aller plus loin dans leurs réponses. Selon moi, ce n’est pas du tout antinomique, au contraire, ça a été pensé pour donner envie. Il y a toujours une partie de l’opinion française qui pense que la bande dessinée est un art un peu pauvre et sans respect par rapport aux grands classiques. Il ne se rendent pas compte qu’elle soulève la réflexion de ses auteurs et que les albums sont le fruit d’un long travail. Ce ne sont pas des projets faits à la va-vite, ils sont longuement pensés. C’est ça qu’il est intéressant de raconter.
Comment avez-vous sélectionné les différents thèmes abordés ?
Ce podcast est réalisé en partenariat avec les éditions Dargaud qui sont eux-mêmes à l’origine d’albums politiques tel que Carnets de campagnes. Donc on a pioché dans leurs publications et on a travaillé main dans la main avec eux afin que nos choix entrent dans notre ligne éditoriale. Dans la saison 1, on aborde la présidentielle, les Gilets jaunes, le féminisme, l’Afrique, l’humour et l’engagement. Aucun épisode ne se ressemble. Bien que la première saison s’articule essentiellement autour de la BD documentaire, les approches sont différentes. Ce que fait Mathieu Sapin (Carnets de campagne) ou Blanche Sabbah (Mythes et meufs) n’a rien à voir. On est d’une part sur de la bande dessinée de reportage, de l’autre sur une déconstruction ou reconstruction des mythes, ce qui est un autre travail intellectuel. Le menu de cette saison a trouvé son équilibre de manière empirique, mais on arrive à quelque chose d’équilibré à la fin. Il en sera de même pour la deuxième saison, on aura des thématiques qui, bien qu’elles puissent se rejoindre, seront complètement différentes. En tout cas on essaye vraiment d’avoir des épisodes éclairés par un angle différent. On tend à garder ce fil, afin de ne pas toujours être dans la bande dessinée documentaire ou de reportage.
Écouter les épisodes de La Lutte des cases
Propos recueillis par Charlotte Riccardi
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