Dans une époque socialement incertaine, les collections féminines automne-hiver 2024 présentées début mars à Paris raniment une figure emblématique de la mode.
Sous d’imposants lustres en bronze, une silhouette sculpturale, regard masqué par d’épaisses lunettes noires à monture aviateur, s’avance sur des talons aiguilles. Inspiré par les looks de Deneuve à la fin des années 1980, Anthony Vaccarello livre chez Saint Laurent une relecture de la Parisienne. Épaulettes XXL aux lignes tranchantes articulées à des minijupes fendues et T-shirts décolletés jusqu’au ventre : le directeur artistique associe power dressing masculin à des lignes hyper-sexy qu’il twiste comme pour souligner la dimension mythique de cette figure irréelle.
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C’est une Parisienne en robe de velours noir et épais bijoux surréalistes qui défile entre les fumoirs rétro de Schiaparelli. Portant jupe corolle et mules à nœuds, coiffée d’une toque, elle évoque les silhouettes couture post-45 de Pierre Balmain. Idem chez Givenchy, avec son manteau noir de satin inspiré de modèles des années 1970 et façonné par les ateliers haute couture. Ces réminiscences pluritemporelles de la Parisienne permettent aux créateur·rices de puiser dans les archives maison et de proposer des vêtements de facture couture. C’est également l’opportunité de rappeler la position hégémonique de Paris dans la géographie de la mode, à l’heure où le marché chinois rouvre ses portes.
Minimalisme et durabilité
Repopularisé par la série Emily in Paris, le style de la Parisienne est pourtant à rebours des versions hautes en couleur habillant l’héroïne de Netflix. Pas de vêtements adolescents à l’esthétique Y2K, absence d’imprimés et palette minimaliste : les collections mettent l’accent sur les matières et textures chez Loewe ou Hermès – remettant ainsi le “vêtement-textile” au centre, contrairement au “vêtement-image” pensé pour les réseaux sociaux. Chez Hermès, Nadège Vanhee-Cybulski imagine des ensembles ton sur ton, entre costume masculin et robe fluide, en soie métallisée martelée et plissée façon écorce. Pour Louis Vuitton, Nicolas Ghesquière explore coupes et matières afin de répondre à la question : “Qu’est-ce que le style français ?” Quarante-quatre looks, entre classicisme et éclectisme, vêtement formel et ligne futuriste, se succèdent en une réponse contrastée et plurielle.
À l’heure où la Parisienne n’appartient plus à Paris, relue par les jeunes du monde entier sur TikTok où le hashtag parisianstyle cumule 617 millions de vues, certain·es créateur·rices hybrident l’archétype. Le label d’avant-garde GmbH conserve les blazers minimalistes à larges épaules ajustés, associés à des cuissardes et peu importe le genre du mannequin. Pour sa ligne expérimentale Y/Project, Glenn Martens repense les blouses de la Parisienne à l’aide de chutes de jeans upcyclées, ou d’épaisses boucles d’oreilles transformées en doigt d’honneur. Le trench aussi est vecteur de déconstruction : chez Sacai, il se décompose, porté en robe ou en version cropée. Le mythe serait (enfin) bousculé…
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