Proche de l’interprétation théâtrale, soulignant son statut d’actrice, Isabelle Huppert défilait en longue robe noire brodée scintillante lors du troisième défilé mixte de Demna pour la maison Balenciaga. Décryptage.
“Si la mode britannique consiste à capturer et refléter un certain moment, la mode française consiste à transcender cela”, déclarait Isabelle Huppert en 2018 dans la version britannique de Vogue. Icône inclassable, déjouant et challengeant constamment sa propre image publique, l’actrice âgée de 70 ans foulait ce 5 juillet le podium du dernier défilé Balenciaga haute couture, présenté dans le salon historique de la maison avenue George V.
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Si la maison a fait l’objet d’un large scandale suscité par deux campagnes publicitaires en novembre 2022, l’actrice n’hésite pas à marquer sa fidélité au directeur artistique Demna, qui depuis 2015 questionne la frontière entre masculin et féminin, populaire et savant, accessible et underground. En robe fourreau verte ou en dentelle ébène à Cannes en mai 2023, elle soutenait déjà le créateur pour qui elle a posé à plusieurs reprises et défilé en juillet 2022. Si Isabelle Huppert naviguait alors au milieu des autres mannequins, elle se détache ici et “surincarne” une image, alors que Demna interroge le sens de la mode contemporaine et la dérive de l’image à travers un retour au vêtement et à la technique.
Critique de la “mode image” par l’actrice post-image
Longue robe scintillante, cheveux orangés plaqués sur un visage plus opalin qu’habituellement, Huppert porte le look 48 d’un défilé couture dépouillé de célébrités extérieures à la mode. Pas de Kim Kardashian ou de Dua Lupa comme la saison dernière : la seule star présente, c’est elle, l’actrice qui interprète l’actrice. Sa tenue frôle le costume et rappelle la robe noire qu’elle portait sur les planches du théâtre de la Ville, où elle interprétait la reine d’Écosse Mary Stuart dans la mise en scène de Robert Wilson.
Dans sa mise en scène, Demna souligne l’idée d’interprétation et de performance qui se traduit également dans les vêtements proposés : des manteaux en fourrure trompe-l’œil ou encore des vêtements familiers, tels que le jean pensé en couture et une robe armure en résine chromée imprimée en 3D portée par l’artiste américaine Eliza Douglas.
À l’heure où Demna affirme être en vigilance totale, convoquer le symbole d’Isabelle Huppert appuie sa critique de l’image. Dans son ouvrage Isabelle Huppert: Stardom, Performance, Authorship l’universitaire spécialisé en mode Nick Rees-Roberts écrit : “Huppert est un cas d’étude en matière de star, elle souligne constamment sa dimension d’interprète et ainsi résiste au statut de simple star-image.”
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