Garde-robe personnelle quasi inconnue, et une présence sur les tapis rouges réduite au strict minimum depuis ses 16 ans : c’est à travers sa filmographie qu’Adjani influence une mode avide de son image, alors que l’actrice se préserve des lumières. Décryptage.
Larges lunettes noires, et longue frange brune : en 2020, Isabelle Adjani est pour la première fois égérie Chanel, le visage masqué, mais paradoxalement reconnaissable. Comme un clin d’œil à sa légendaire discrétion hors écrans, la maison française choisit de faire de l’actrice l’égérie de sa campagne lunettes de soleil, elle qui dit en porter depuis ses 16 ans. Deux ans plus tard, en janvier 2022, elle conserve ses lunettes assorties à un long imperméable tout aussi sombre, alors qu’elle foule le podium du défilé AMI par Alexandre Matiussi.
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L’uniforme d’invisibilité de l’actrice finit par l’habiller et la caractériser. Connue pour défier les voleurs d’image, elle laisse échapper très peu de photographies permettant à ses fans de s’identifier à son style personnel. Clichés de paparazzi quasi inexistants, alors qu’ils font depuis les années 2000 la joie de pages modes. Quant aux représentations sur tapis rouges : elles sont limitées au strict minimum comme l’illustre son historique éclipse du photocall de L’Été Meurtrier à l’occasion du festival de Cannes en 1983.
Loin de se conformer au star-système en vigueur, Adjani fait son chemin, et devient à travers ses personnages et clips, un personnage singulier de la mode.
Incarnation du glamour
Robe de mariée en soie écarlate, long collier de perles et coiffe fastueuse ornée de rubis : en 1993, Adjani incarne Marguerite de Valois dans La Reine Margot avec une garde-robe dramatique réalisée par la costumière de théâtre Moidele Bickel. L’actrice n’en est pas à sa première incarnation de femmes de pouvoir marginales : petites lunettes rondes et robe sage à col de dentelle, elle est Adèle Hugo (seconde fille de Victor Hugo), brisée par amour non réciproque dans Adèle H de Truffaut, tandis qu’elle joue la beauté gothique en longue robe virginale, œil cerné de noir dans le Nosferatu d’Herzog, en 1979. Elle est la plus indépendante de sœur Brontë entre robe d’innocence et costume masculin dans Les Sœurs Brontë et oscille entre robe corsetée et blouse de travail alors qu’elle incarne le sculptrice Camille Claudel, en 1988.
S’extrayant du temps, tout en étant marquée par les vêtements, Adjani passe du XVIIIe siècle au début du XXIe, de l’Angleterre à la France, du fantastique au film d’horreur, prêtant ses traits à des héroïnes à travers lesquelles le public tente de deviner sa personnalité. Ses costumes lui permettent ici d’échapper à l’idée du présent, de la mode et du quotidien. Elle se fait l’allégorie d’un panthéon glamour pluriel, dont le climax s’illustre en 2022 dans le spectacle Le Vertige Marilyn d’Olivier Steiner et Emmanuel Lagarrigue, où elle donne chair à un dialogue rêvé avec l’incarnation de l’idée de glamour Marilyn. Hors, le glamour est un éternel outil pour la mode, comme le montre l’historienne de la mode Valerie Steele dans Glamour : Fashion, Industrial Design, Architecture, en 2004.
Inspiration des jeunes créateurs
L’image de Marylin la suit : déjà présente dans le décor de sa chambre dans L’Été meurtrier en 1983. Ici, Adjani n’est plus d’une autre époque, mais incarne une fille du Sud, sexualisée et flamboyante. Boucles d’oreilles colorées imposantes, talons aiguilles et robe rayée moulante : Éliane est objet de fantasme pour les personnages du film, mais aussi pour le public. Investissant un mythe sudiste composé de couleurs primaires et fille hyper-sexy, Jacquemus revendique et rend hommage à plusieurs reprises au personnage d’Éliane qui intègre sa sémiotique mode personnelle. Elle se devine dans les t-shirts aux épaules dénudées, la robe moulante et le mini-short acidulé de sa collection Riviera. Se jouant des licornes françaises, travaillant ainsi le rapport Paris-province, Jacquemus fait également un clin d’œil à une autre Adjani, en 2013, dans sa collection la Piscine : celle vêtue d’un large pull marine masculin dans le clip réalisé par Luc Besson et accompagnant la chanson Pull marine.
Mythe du Sud ou parisien, Marylin ou Margot : Adjani s’extrait de la mode pour mieux la nourrir à travers ce personnage et se pose comme une star à part. Si aujourd’hui, on la croise au premier rang de Chanel, Jacquemus ou AMI, elle reste au service de l’idée d’actrice, soit ce qu’elle associe dans les pages des Inrocks à l’idée de “soigner”.
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