Chaussettes hautes, mini-robes transparentes et blousons aux lignes biker, voilà ce que l’on portera à l’hiver 2022-2023.
Du 28 février au 1er mars 2022, le mois de défilé s’est conclu dans la capitale parisienne, alors que la capitale ukrainienne subissait les attaques guerrières de la Russie pour la cinquième journée consécutive. La situation laissera place à de nombreux hommages, de Balenciaga aux messages d’amour délivrés par Pier Paolo Piccioli chez Valentino.
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La machine mode a toutefois continué, défendant la créativité de nombreux jeunes créateurs allant de Weinsanto à Maitrepierre, mais aussi celle de grandes maisons offrant au grand public de larges spectacles parsemés de stars… Tout semblait ainsi reparti, comme pour conjurer le Covid-19 et l’époque actuelle.
Revenge dress et nouveaux messages
Longue robe ébène transparente portée par Bella Hadid en clôture du show Ludovic de Saint Sernin, version fendue sur la cuisse articulée à une doudoune chez Heliot Emil ou recouverte d’un manteau en fausse fourrure chez Saint Laurent, les robes type “revenge dress” inondent les podiums, rappelant que la mode est un outil de communication puissant.
La princesse Diana a marqué la pop culture en 1994 dans une version noire laissant ses épaules nues, inaugurant une longue tradition, au cœur de la collection de Lecourt Mansion, intitulée sans détour “Revenge Dress”. Rose chamallow portée par Amel Bent enceinte ou rouge incandescente en satin sur Thee Dian et corsetée pour Inès Rau, la robe-revenge Lecourt Mansion opère un changement de sens racontant une guérison, suite aux harcèlements subis par sa créatrice Nix.
“Je tenais à installer ma place en tant que citoyenne française et en tant que femme trans”, explique-t-elle à Vogue, ajoutant : “Les minorités comme moi sont vues à travers le regard de la société moderne comme étant mal nées. […] C’est ma façon de dire que les personnes transgenres peuvent parler pour elles-mêmes et pour leur communauté.”
En voilage rosé ou noir chez Ester Manas, les minirobes sont des plus inclusives, portées par un casting aux corps divers, rappelant que le droit de séduire est pour tous·tes.
Fairycore et monde post-numérique
Sweat-shirt marron surmonté de mitaines orangées complété par une jupe asymétrique kaki ou total look velours dévoré gris argenté : la marque Ottolinger, connue pour ses silhouettes aux notes de techno berlinoises, explore une nouvelle dimension de l’imaginaire : l’esthétique dite Fairycore.
Articulation entre le chaos grunge des années 1990 et les créatures mystiques issues des contes nordiques, cette mouvance réactualisée sur Tik Tok imagine un univers rempart connecté avec la nature, alors que le paysage de la modernité industrielle s’élide. La splendeur des décors en plein air se traduit dans les coloris et lumières hallucinogènes des jupes oversize délavées Acne Studio.
Le goût pour les matières texturées et l’artisanat se devine dans les silhouettes pluri-matières entrelaçant cuir et tricot chez Hermès ou encore dans le tricot sans couture du label japonais CFCL. Le travail de la maille est actualisé dans des jeux de superpositions composant les looks imaginés par Anna Heim ou Lucile Guehl pour le défilé avant-garde de l’Institut français de la mode formant les étudiants à cette spécialité en vogue.
Alors que la vie post-Covid-19 laisse entrevoir une célébration des splendeurs de la nature, les mannequins du défilé Rick Owens se baladent au son de la Symphonie nᵒ 5 de Mahler. Vêtues de robes sirènes couleur coucher de soleil surmontées de doudounes bombées, elles surgissent de la brume telles des créatures grandioses pré-apocalyptiques évadées d’un paysage romantique du peintre Caspar David Friedrich.
De Marlon Brando à Chad Murray : attitude beau gosse du lycée
Elle porte des culottes et des bottes de moto, un blouson noir mais pas d’aigle sur le dos : la silhouette Miu Miu réactualise l’archétype du jeune rebelle chanté par Édith Piaf. En 2022, ce personnage glisse du corps féminin au masculin, vêtu de dessous de satin bleu poudré questionnant le mythe de la virilité. De Marlon Brando à Chad Michael Murray conduisant une Ducati, l’énergie adolescente du beau gosse américain, explorant et jouant avec les codes de la virilité, est un archétype qui rythme les podiums.
Pour Balmain, le total look biker de moto-cross s’inscrit dans une fable sur le vêtement “protecteur” face aux situations sociales instables, tandis que les bottes de moto accompagnent les innovations technologiques de la maison Dior.
Blouson noir et minishort : chez Hermès, Nadège Vanhee-Cybulski articule sophistication et sportivité, donnant corps à une idée de “vitesse”, et cela ne semble que le début du revival de l’esprit cuir et grosse cylindrée actualisé à l’aune d’un récit post-genre. Début février, la maison Harley Davidson nommait Louise Goldin à la direction de la création de ses vêtements. Diplômée du Central Saint Martins, elle est connue pour son travail au sein de Yeezy, le label de Ye.
De Laura Palmer à Blair Waldorf : réunion des school girls américaines
Minijupe écossaise portefeuille chez Sandro, ensemble en tweed, collant laineux aux coloris pop et longs cheveux tenus par des barrettes fantaisie chez Chanel, ou encore microjupe de tennis portée avec ballerines et socquettes pour Miu Miu : un panaché d’écolières issues de fictions hétéroclites se croisent de podium en podium.
Elles actualisent le look Clueless chez Maje, l’énergie Diane Keaton sur les bancs de l’université avec ses costumes-cravates chez Louis Vuitton et le chic de l’Upper East Side de Blair Waldorf chez Chanel, témoignant de la dimension transgénérationnelle du mythe de l’écolière preppy. Alors qu’une génération a vécu ses dernières années lycée devant un écran d’ordinateur, la jeune première des fictions d’hier et d’aujourd’hui raconte un rapport ludique aux uniformes qui sont croppés chez Maje ou dotés de jupes en cuir chez Coperni.
Le rêve du bal de promo est réanimé par le défilé posthume de Virgil Abloh chez Off-White, tandis que l’ultime petite fiancée de l’Amérique Audrey Hepburn se faufile au milieu de school girls aux jupes plissées surmontant des pantalons flair dans la collection Rokh. Plus qu’un uniforme imposé, la panoplie preppy est hybride, renvoyant à différentes fictions.
Punk Circus
Tailleurs composés de tartan upcyclé et jupes décorées de lettrages hétéroclites évoquant des slogans underground chez Marine Serre, justaucorps imprimé panthère et large imperméable à carreaux chez Vaquera : le punk est toujours là. Fin 1970, il surgissait à Notting Hill, tel un spectacle grinçant qui traduisait les angoisses de l’époque. Ses looks bricolés mêlant les imprimés hétéroclites traversent les décennies tout comme son ironie, alors qu’il se retrouve au cœur de nouvelles crises. En 2022, il passe d’une version classique chez Undercover à pirate chez Vivienne Westwood.
Bombers col châle ou larges manteaux upcyclés à partir de tissus de robe de mariée, le punk prend des airs couture chez Lutz Huelle tandis qu’il combine nuisette et pièce sportive chez Meryll Rogge, qui présentait sa collection dans une mise en scène fin de soirée dotée d’un faux buffet. Le comique punk prend une dimension absurde chez Loewe, où Jonathan Anderson questionne le sens de la mode en expérimentant “l’irrationnel”. Latex, tweed, soie et tricot s’articulent au milieu de robes trompe-l’œil ou de modèles dotés de ballons de baudruche : un comique exacerbé alors que la mouvance clowncore envahit Tik Tok. Une tendance articulant le surréalisme punk à l’aspect coloré et enfantin, perceptible dans les motifs arlequin chez Louis Vuitton. Par ses multiples vies, le punk demeure un exécutoire critique et créatif, permettant d’imaginer une mode upcyclée et sans limitations.
Euphoria Mania
La saison 2 d’Euphoria vient de toucher à sa fin, dévoilant le visage de chaque acteur·ice de la série dans une campagne de luxe. Quelque part entre culture pop-porn et inspirations Y2K se dessine, par les voix, les corps et les tenues des personnages, un récit d’époque sur le sexe, le féminisme et les questions identitaires. Si bien que cet univers high school aussi baroque que grinçant se retrouve, par touches et révérences, au fil des collections de la saison.
Lila Moss est en tennis et en robe bleu layette à découpes audacieuses chez Coperni, non sans rappeler le personnage blond de Cassie. Le liner, les strass et les bijoux de visage, devenus iconiques sous le coup de crayon de la maquilleuse de la série Doniella Davy, sont réinterprétés encore et encore : dans un trait graphique chez Maitrepierre, une paupière pailletée et irisée et des ongles XXL façon Showgirls chez Rochas, un liner métallique chez Giambattista Valli, et en robe all-over, de la tenue jusqu’aux paupières, chez Valentino. Un théâtre de références et de mises en abyme qui s’étend jusqu’à la présence des actrices au défilé, comme Zendaya faisant hurler les foules chez Valentino ou Alexa Demie chez Balenciaga.
À chacun sa muse
À l’encontre d’un jeunisme fait norme et d’une idéalisation des millenials dans le luxe, une génération de créateur·rices émergent·es ont choisi de mettre en lumière des icônes souvent éloignées des tapis rouges, mais adulées par des générations. Coup de théâtre : chez Weinsanto, c’est Philippine Leroy-Beaulieu, l’actrice interprétant la déjà cultissime Sylvie dans Emily in Paris, qui clôt le show au bras du créateur, le tout sous une cloche couture et un corset assorti, dans une prise de distance par rapport au chic parisien qui lui est associé. Pour Maitrepierre, ce n’est autre que l’actrice so drama Arielle Dombasle qui jaillit drapée dans une robe fourreau futuriste rouge chantant en playback. Chez Lecourt Mansion, on découvre Amel Bent enceinte, sans oublier Sevdaliza chez Marine Serre ou Louane chez Victoria/Tomas. Une horizontalité affirmée entre pop culture, scènes alternatives et luxe.
Dominatrix Couture
Pendant la fashion week milanaise, le New York Times publiait un portrait de Julia Fox, qui s’est fait remarquer dans un total look vinyle au premier rang du show Versace. Les mots utilisés pour la décrire ? “Dominatrix Couture”, en référence à son passé de domina, mais aussi à une mode actuelle tournée autour de références BDSM réactualisées. Chez Courrèges, le latex et le vinyle se radicalisent autour de lignes techno mêlées au space age, l’ADN de la maison. Le latex apparaît en total look chez Avellano, entre Berghain et justicière masquée ; chez Koché, il prend la forme d’un corset ciselé en cuir, et pour Pressiat, il impose une rigueur théâtralisée évoquant Portier de nuit et Klaus Nomi. Thème traversant la mode depuis des décennies et célébré encore et encore chez Versace dès les années 1990, il rappelle la proximité entre mode, sous-cultures queer et sexualité omniprésente.
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