Au cours de ses sept décennies de règne, la monarque britannique a transformé ses tenues en outil de communication, inspirant toutes une lignée de femmes politiques.
“Je dois être vue pour être crue”, déclara celle qui devint souveraine à l’âge de 25 ans, en 1952. Déjà, Elizabeth II, qui s’est éteinte ce jeudi, affirmait le pouvoir communicationnel du vêtement. Connue pour ses tailleurs colorblock flashy et ses éternel sacs à main rectangulaires signés Launer, elle est aujourd’hui couronnée du titre d’initiatrice d’un nouveau prototype de power dressing féminin par la journaliste mode du New York Times, Vanessa Friedman.
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Habillée par Hardy Amies (jusqu’en 1990) puis par Angela Kelly – autrice d’un livre sur son travail pour la reine ,The Other Side of the Coin : The Queen, the Dresser and the Wardrobe –, Elizabeth II arborait un styl qui a nourri de nombreux ouvrages, décrit comme “une sorte d’armure” par la journaliste anglaise Sali Hughes. Cette dernière souligne également le caractère itératif de ses tailleurs portés à plusieurs reprises, tout comme ses chapeaux arborés au moins une dizaine de fois avant d’être remplacés, faisant d’elle une icône frôlant l’anti-mode, contrairement à la princesse Margaret (connue pour ses virées chez Dior), Diana ou la duchesse Catherine.
Ce n’est qu’à l’âge de 92 ans, en 2018, que la reine assista à son premier défilé de mode. Elle s’était alors déplacée pour remettre le prix Elizabeth II au designer britannique Richard Quinn, dont les créations surréalistes mêlent les imprimés floraux, détournant avec humour les archétypes du style anglais. Aujourd’hui, ce dernier, tout comme Stella McCartney ou Victoria Beckham, rendent hommage à la reine du power dressing.
Le vêtement au service du royaume
En 1947, la future reine paye sa robe de mariée à l’aide de tickets de rationnement. Un geste contraint mais perçu comme un premier message politique. Cinq ans plus tard, lorsqu’elle se retrouve propulsée à la tête de la Grande-Bretagne, elle choisit pour son couronnement une robe de satin brodée des emblème floraux du royaume – rose anglaise, chardon écossais, trèfle irlandais, feuille d’érable canadienne, fougère néo-zélandaise, blé pakistanais, acacia australien et protéa sud-africain. Une manière d’afficher son attachement à l’unité du royaume.
Se dessine alors, sous son reigne, un nouveau rapport entre parure et pouvoir : “Les vêtements ne sont pas simplement destinés à Elizabeth II elle-même, mais à la monarchie, dont ils doivent respecter les normes les plus élevées. Le rôle de la reine est d’être plus petite que le trône et elle l’a toujours parfaitement compris”, note Sali Hughes dans son ouvrage Our Rainbow Queen, en 2019.
Ainsi, Elizabeth II ne porte pas de couleurs qui sous-entendraient l’allégeance à un seul drapeau lors de ses déplacements, afin de ne pas contrevenir à son devoir de neutralité envers toutes les nations.
Critique du Brexit et Anti-Trump
Quelques exceptions mémorables demeurent. À l’occasion d’un discours d’ouverture au Parlement britannique, en juin 2017, la reine arborait un chapeau bleu orné de fleurs aux cœurs jaunes. En plein Brexit, le chapeau devient pour beaucoup un symbole pro-européen.
Plus remarquable encore, en juillet 2018, Donald Trump se rend au château de Windsor. Le choix des bijoux de la reine lors de cette visite controversée a fait l’objet de nombreuses spéculations : la broche portée à l’arrivée du Président s’avèrera être un cadeau du couple Obama. Quant à celle arborée le lendemain, elle lui a été offerte au nom de l’État canadien, avec qui Trump entretient alors une relation glaciale.
“Dans une époque marquée par l’hypercommunication, elle a exemplifié le dicton anglais ‘Never explain, never complain’. Elle a poussé l’idée du vêtement comme outil de communication à son paroxysme, allant jusqu’à donner un sens au positionnement de son sac. Contrairement aux premières dames, telle Michelle Obama, qui ont fait de leur vestiaire un lieu de mise en avant de designers de mode, elle s’en tient à la déclinaison d’un même costume de cheffe d’Etat, et a tissé un modèle pour les femmes à la tête de gouvernement, comme Angela Merkel”, conclut la Franco-Britannique Sarah Banon, professeure à l’Institut français de la mode.
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