L’industrie a su cerner et tirer profit des nouveaux rites, besoins et codes cloisonnés liés à nos sociétés confinées en lançant des tendances et des produits adaptés. Lesquels forment dorénavant un secteur à part entière : celui de la “lockdown fashion”, la mode sous confinement.
Virginia Woolf voyait dans les vêtements davantage que des élements “ayant pour fonction de nous tenir chaud”. “Ils changent notre vision du monde et le point de vue du monde sur nous” écrivait dans Orlando, en 1928, celle qui souligna la puissance de l’apparat et les rapports de classe entretenus à chaque apparition vestimentaire.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Encore faut-il avoir accès à la société et sa population. Sans occasion de se mettre en représentation, sans l’appréhension des regards, l’allure perd sa dimension théâtrale, narcissique, et sa puissance de communication non-verbale. Selon The Business of Fashion, au début de la pandémie aux Etats-Unis, l’industrie de la mode américaine a ainsi subi une chute de 90% dans les ventes de vêtements, tous secteurs confondus.
Ce qui n’a brisé la fougue néolibérale du marché de la fringue, bien au contraire. Fin sociologue, ce milieu s’est intéressé aux rituels émergents, au rapport à l’espace et à soi, pour promouvoir un rapport métamorphosé à l’accoutrement. Marketing de nouveaux désirs, créations de tendances spécial huis clos, produits adaptés à des besoins que l’on ignorait : ces développements ont pris tant d’ampleur qu’ils composent aujourd’hui un secteur entier dédié à la “lockdown fashion”, la mode sous confinement.
>> A lire aussi : Le “vote-washing”, ou quand la mode américaine capitalise sur l’élection présidentielle
Des collections à n’en plus finir, dans le luxe comme la fast fashion
Le premier point exploité a été la constatation d’un rapport démultiplié à notre intérieur – sphère à la fois intime, professionnelle, publique lors de vidéoconférences. En est née une tendance en miroir dite d’“hybridation”, avec des vêtements sans codification fixe, à la fois adaptés à un après-midi affalé·e devant des séries, mais assez élégant pour pouvoir décrocher un appel Facetime inopiné de son patron tout en permettant de récolter des likes et des followers sur Instagram.
2020 – a landmark year for men’s fashion marketing.
Introducing the 'working from home' collection by Henri Vezina menswear#marketing pic.twitter.com/W67zKUrJSx
— Famous Campaigns (@famouscampaigns) October 28, 2020
Aujourd’hui, la poule aux œufs d’or de ce secteur est le télétravail, avec ses modes de collaboration inédits mais déjà codifiés. Cette branche dite “WFH”, ou “Work From Home” fait l’objet de collections à n’en plus finir, dans le luxe comme la fast fashion. Toutes se positionnent en réponse à la problématique énoncée par la presse de mode autour de la “Zoom Etiquette” et des conventions sociales induites par ces regroupements par caméras interposées.
Cela comprend des tenues élégantes jusqu’à la taille, avant de se transformer, hors champ, en pyjama. Aujourd’hui, l’offre est complétée par la tendance dite de “face fashion”, qui encourage les femmes à investir dans du maquillage et des accessoires exubérants. Le but énoncé ? Faire de son visage une zone d’expression stylistique et maximiser son potentiel communicationnel – comblant ainsi l’absence de toutes les autres expressions corporelles, maintenues hors du cadre.
Cette “économie du confort” promeut également le bien-être et une célébration d’activités présentées comme simples, comme la cuisine ou le jardinage. Tout en évitant soigneusement d’activer un imaginaire de domesticité rétrograde. Ainsi, les tabliers de la marque Fiskars sont promus comme gender-neutral, promettant de dissocier la tâche ménagère d’un genre assigné. Une avalanche mercantile quelque peu douteuse en pleine pandémie mondiale.
>> A lire aussi : La sélection cool de la semaine : direction Hyères
{"type":"Banniere-Basse"}