Vivienne Westwood est décédée ce jeudi 29 décembre. À cette occasion, nous avons proposé à Christian Lacroix de partager quelques mots sur la créatrice anglaise.
On dit que les meilleures âmes depuis quelques saisons préfèrent quitter une planète si absurde, horrible et décourageante, cruelle. On pourrait le croire tant notre monde est devenu chaque jour davantage le contraire de ce pour quoi Vivienne s’est battue si âprement toute sa belle vie durant. Pour l’écologie, la liberté d’esprit, une rébellion péronnelle et permanente face à la pensée dominante ou moutonnière, aux diktats de toutes sortes. Et cela à travers l’art, la beauté, l’histoire auxquelles elle a redonné tout leur pouvoir à la fois historique, politique, esthétique et qu’elle a revisités avec la vigueur, la liberté et la belle arrogance sans pudeur qui étaient les siennes.
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Nous nous sommes surtout connus dans les années 1990 lorsqu’à la demande de monsieur Fairchild, j’ai eu à choisir mon designer anglais, mon designer italien et mon designer américain favoris (j’ai bien sûr choisi Vivienne avec Franco Moschino et Isaac Mizrahi) pour un “tour” dans les grandes villes japonaises où nous montrions nos collections, défilés suivis de conférences de presse, chaque équipe organisant une fête pour les autres le soir… Bien sûr, je me souviens du choc de la boutique “Worlds End” sur Kings road, tout au bout, puis des premières collections de Vivienne présentées chez Azzedine. On vous aura parlé de sa fidélité aussi, de ses attentions, en même temps que de ses positions militantes, aussi saines qu’intransigeantes.
Ce que j’ai toujours dit et répète aujourd’hui avec plus de conviction, d’affection encore et avec presque solennité c’est que sans elle nous n’existerions pas, elle a donné une impulsion hors norme aux styles des années 80/90, pas seulement en apparence et surface, avec tout ce qu’on connaît, la “punktitude”, mais en profondeur, elle a ouvert des chemins sur lesquels nous n’aurions peut-être pas osé nous aventurer sans elle. Avec elle, la mode est devenue un manifeste politique, pour la toute première fois je pense, sans rien perdre de son pouvoir esthétique, créatif, innovant.
Je ne sais pas si sans elle, j’aurais fait aussi naturellement des collections aussi historicistes.
Sa radicalité, son audace, sa vigilance et son intelligence ont fait d’elle la “mère” de tous les designers non seulement ceux de Londres Saint Martin’s et Paris, mais d’ailleurs.
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