Chausson d’extérieur, fourrure fantasy, cheveux longs couverts de balaclava, voilà ce qu’il faudra porter pour l’hiver 2023.
Du 18 au 23 janvier 2022, la Fashion Week masculine de Paris présentait un calendrier de 75 collections entre physique et digital, réimaginant les silhouettes brillantes des années 2000 ou grunge et sombres des années 1990, jouant entre oversize et corps dénudé.
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À l’aune d’un questionnement sur le genre et de notre rapport aux mondes numériques, les créateurs questionnent la fonction du vêtement de demain : être instagrammable ou permettre de se retrouver et de se toucher loin du web.
Strass, fausse fourrure et logomania – le style McBling des années 2000
Gants ornés d’opulents bijoux fantaisie chez Dior, chandail or articulé à un pantalon rubis chez Dries Van Noten, et jean tapissé de monogrammes chez Louis Vuitton : les symboles du luxe ostentatoire s’affichent, réanimant l’esthétique dite McBling. Sous-poche du luxe féminin clinquant des années 2000, ces silhouettes sont caractérisées par le total look logo et l’accumulation de pièces scintillantes articulées à des vêtements plus populaires, tels que le survêtement et le jean.
Le duo pièces accessibles et objets rares se traduit dans le combo manteau de fourrure et jeans composant les défilés Louis Vuitton, Ami ou Bluemarble, où les baggies étaient surmontés d’appositions scintillantes. Précédant la crise des subprimes, ce style insouciant agrémenté de strass et de joggings de velours est redéfini à la lueur d’une société questionnant la dimension genrée des vestiaires pop d’hier. Chez GmBH ou le jeune Gabriel Figueiredo — au stylisme imaginé par la pointue Georgia Pendlebury –, le McBling déborde du féminin et circule sur tout type de silhouette.
Les chaussons d’extérieur instagrammables
Bottine façon UGG recouverte de fausse fourrure chez Loewe, ou basket aux lignes charentaises chez Solid Homme, le soulier d’extérieur est simultanément épais et léger, entièrement dédié au confort. Symbole d’une vie rythmée par les confinements répétitifs menant à une confusion entre espace de travail et espace privé, ces souliers normcore ont marqué 2021. La nouveauté 2022 ? Ils se transforment en objet d’apparat.
Les Crocs à plate-forme sont recouvertes de strass chez Egon Lab et articulées à des pantalons flare ou à des costumes amples chez Louis Gabriel Nouchi, tandis que les Birkenstock caractérisent la silhouette masculine de la maison Dior qui fêtait ses 75 ans. La paire se porte avec des vestes en hommage au tailleur bar, élevant l’idée de confort à un symbole couture élégant. Si l’architecte Bernard Rudofsky rêvait d’une chaussure ergonomique pour la mode, la voici en version couture chic. Tant pis si on ne les voit pas sur Zoom !
Jeans sous toutes les coutures
La saison signe le retour de cette pièce caractérisant l’influence de l’American Way of Life dans la culture au tournant des années 1960. Popularisée en version brut avec un t-shirt blanc sur James Dean puis sur Bruce Springsteen dans les années 1980, la pièce a connu de multiples réactualisations. La voici en total look chez Bianca Saunders, gagnante du prix 2021 de l’ANDAM, ou chez Kenzo par Nigo – sa première collection en tant que directeur artistique de la maison – avec gavroche assortie. Le pantalon denim est ample et délavé chez Taakk ou Sankuanz, revisité version grunge chez Isabel Marant. Chez Glenn Martens pour Y/Project, on s’amuse à déconstruire la veste en jean, repensée en minijupe. Porté flare chez Courrèges avec de larges anneaux, ou baggy chez Études, la pièce imagine la superposition des relectures de différentes époques et permet de surfer aisément d’un style à l’autre.
De nouveaux jours pour l’écoresponsabilité
Si en matière d’esthétique, la mode recycle ses styles et ses pièces iconiques, la recherche de matériaux upcyclés et plus éthiques demeure un laboratoire. Alors que la COP26 a laissé entrevoir plus de questions que de réponses, de jeunes créateurs inscrivent la démarche éco-responsable au cœur de leur processus de développement, à l’instar de Steven Passaro. Le créateur français a présenté sa collection intitulée “The Act of Growth”, développée sans toile grâce au prototypage digital 3D.
De son côté, Lukhanyo Mdingi entend rendre la lumière aux communautés d’artisans derrière ses écharpes oversize et ses larges chandails présentés en ouverture de la fashion week. Gagnant du prix Karl Lagerfeld lors du prix LVMH 2021, le créateur sud-africain bénéficie également du soutien de l’Ethical Fashion Initiative, un programme mis en place par les Nations unies et l’OMC pour mettre en lien marques émergentes et artisans et producteurs locaux dans un souci de développement durable social et environnemental.
Le corps à l’heure du numérique
Un corps dénudé imprimé sur un long t-shirt et porté par son propriétaire en trompe-l’œil : tel est le nouveau jeu conceptuel de Jonathan Anderson, présenté lors de son défilé pour la marque espagnole Loewe. Le créateur britannique questionnait ici notre rapport au corps à l’heure où ces derniers sont majoritairement perçus aplanis en version 2D, coincée derrière des écrans.
Un jeu stylistique déjà proposé dans le monde pré-internet par Jean-Paul Gaultier en 1996 et actualisé sur des silhouettes déconstruites par Glenn Martens, qui a revisité les classiques Gaultier et annoncé sa collection haute couture avec ce dernier le 26 janvier. Dans la série trompe-l’œil, le marque Doublet propose une critique de l’uniformité des corps numériques en affublant le visage de l’influence virtuelle @XimaGram sur l’ensemble des mannequins, soulignant ainsi la différence corporelle – personnes handicapées, de petite taille, aux courbes et couleurs de peau variées défilent. Minijupe en jeans, t-shirt cropé rose aux imprimés enfantins : le style 2000 est actualisé avec une vision inclusive critiquant ainsi l’uniformité de corps blancs, féminins, sveltes, nourrissant sur les réseaux la nostalgie stylistique de cette époque.
Gothcore, contre pluie et neige
Vêtements matelassés, capuches immenses et capes monumentales dessinent des allures de princes gothiques aux silhouettes des collections de vêtements techniques. Manteau poilu noir et pantalon moulant chez la marque de ski Vuarnet, dirigée par le créateur Boramy Viguier, composent un style décrit comme ésotérique.
Le vêtement de sport extrême se réinvente, loin des basiques sans risque du “normcore”, dans des codes sombres évoquant un monde gothique comme autant d’abris contre-culturels réconfortants. Chez Rains, les manteaux se portent telles des capes de scène, tandis que Hed Mayner collaborait avec la marque d’imperméable Macintosh et proposait un total look oversize noir vinyle. À l’heure où la tendance gothique s’actualise et s’hybride au fil des réseaux, elle sert ici à épouser un discours vestimentaire dédié à la vie en pleine air. Un rappel : la mode n’est pas seulement destinée à épouser l’esthétique confinée de l’algorithme.
C’est justement le propos défendu par Véronique Nichanian, directrice artistique de la maison Hermes détournant le vêtement technique pour dessiner la silhouette du dandy post-pandémie. Parka coupe-vent bleu poudré poétique surmonté d’un col en mouton blanc, ou doudoune ébène articulée à un pantalon à pinceporté avec des cheveux rose chamallow, le vêtement est réalisé en vue du monde IRL.
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