Si, depuis le confinement, la mode se vit sur TikTok, les créateur·trice·s imaginent un homme-enfant s’insérant dans la culture visuelle de la Gen Z, soit une figure questionnant les masculinités contemporaines.
Socquettes de sport mi-mollet, short jaune poussin surmonté de motifs de fraises et pull en tricot jonché d’écussons : il ne s’agit pas de lolita, mais des jeunes hommes aux allures de bambins chez JW Anderson. Après un an de confinement, le directeur artistique Jonathan Anderson esquisse une masculinité à rebours des virilités patriarcales dominatrices, tel un remède au modèle réactionnaire de l’ère Trump.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Chez Prada, il revêt des barboteuses roses; chez Fendi, des shorts couleur lavande. Chez Louis Vuitton, il arbore des sacs en forme de citrons et de carottes, et des tenues de boyscout. Ce retour à l’enfance serait-il, d’une part, la sublimation cathartique d’une dépossession de sa masculinité dominante (jusqu’aux restrictions infantilisantes) lors de la pandémie ? En tout cas, il semble présager une page blanche vers une masculinité nouvelle, à l’encontre des modèles toxiques dessinés par l’ordre patriarcal.
>> À lire aussi : Paris Fashion Week : dans la mode masculine, place à l’expérimentation en 2022
“Désormais, les jeunes générations se délient du modèle orthodoxe et conformiste de la masculinité pour revendiquer une navigation libre et des modèles pluriels. Ici, ces variantes de l’homme-enfant mettent en avant des expériences multiples. Si cette tendance peut flirter avec le déguisement, elle permet de questionner la sexualité ou la race car elle brasse différents imaginaires”, commente Jay McCauley Bowstead, professeur en Cultural Studies et auteur de Menswear Revolution: The Transformation of Contemporary Men’s Fashion (Bloomsbury, 2018).
De la jeunesse corrompue à l’enfance pure
Entre enfant capricieux, orphelin sauvage et petit prince, l’imaginaire du petit garçon se tisse dans des mythes ambivalents racontant les espoirs et les craintes d’une époque. Dans la mode, l’adolescent frêle surnommé “waif” (soit enfant abandonné) se hisse sur les podiums de Raf Simons ou ceux d’Hedi Slimane au tournant des années 1990, permettant d’entrevoir une masculinité subculturelle dans une époque marquée par la pandémie du Sida et un ordre géopolitique post-guerre froide.
Face aux traumatismes de la pandémie, l’horizon 2022 inaugure néanmoins un versant optimiste, incarnant une volonté de joie de vivre. Habillés de rose tels des petits garçons preppy chez Dior, ou de pantalons jonchés de roses chez Acne, ces hommes racontent une quête utopique de pureté. Cette dernière n’est pas sans rappeler la notion de l’enfance mythifiée, angélique, chez Rousseau, étape de la vie en binarité avec l’homme adulte corrompu par la société.
>> À lire aussi : Christine Phung fête 10 ans de création : “J’assume totalement ce qui est encore ma signature”
Un romantisme de l’enfance
“L’introduction de l’imaginaire de l’enfance dans l’esthétique mode permet aux hommes d’atteindre des sphères de questionnements sur le corps et la sexualité auparavant réservées aux femmes. Cela permet d’entrevoir des masculinités inclusives”, analyse Jay McCauley Bowstead.
De fait, le personnage de môme, aujourd’hui en pleine relecture contemporaine, ouvre des possibilités critiques. Chez Namacheko, les jeunes garçons en shorts et chandails sans manches permettent au créateur Dilan Lurr de réfléchir son enfance, celle d’un Kurde ayant quitté l’Irak pour la Suède à l’âge de 9 ans. Quant à Francisco Terra, il met en scène pour Rolê Paris des silhouettes en robes rose bonbon moulantes inspirées à la fois par le monde de la nuit et celui des animes pour évoquer une identité de genre déliée de la binarité et d’une normativité générationnelle.
En 2022, la mode décide de réanimer l’imaginaire romantique d’une enfance pure, à travers laquelle la masculinité peut se déconstruire.
{"type":"Banniere-Basse"}