Alors que l’industrie de la mode s’engage à réduire son émission de CO2 de moitié d’ici 2030, les designers s’unissent à travers des défilés hybrides et des conférences exposant leurs initiatives.
Survêtement évasé teinté d’un parme vif porté avec un t-shirt façon supporteur de joueurs de foot : cette silhouette à l’allure seventies retrouve une seconde vie, ici exposée en pleine COP26. Signé Priya Ahluwalia, finaliste du prix LVMH 2020, l’ensemble explore le potentiel du vintage et de la réparation à travers une technique de bricolage textile rendant chaque pièce unique.
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Sa présentation s’articule à celle de pièces signées Burberry – première marque de luxe engagée à être positive pour le climat d’ici 2040, avec le label 100 % upcycling Mother of Pearl – dans le cadre d’un défilé coorganisé par le British Fashion Council et GREAT, l’opération nationale britannique de communication autour de l’environnement. L’objectif ? Utiliser l’attrait du défilé pour mettre en avant chaque maison comme autant de cas d’études des différentes perspectives d’innovations éthiques dans la mode.
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L’art comme support d’action
Alors que les discussions de la COP26 ont animé la ville de Glasgow, s’intéressant à l’enjeu des émissions de carbone, l’industrie de la mode figure pour la première fois à l’ordre du jour et forme un front uni. Ainsi, mardi 8 novembre, la charte de la mode regroupant 130 sociétés revoyait ses ambitions à la hausse en s’engageant à réduire de moitié les émissions de dioxyde de carbone d’ici 2030.
Stella McCartney, présente à la table des décisions, a interpellé les gouvernements pour imposer des taxes plus élevées sur l’importation de produits fabriqués à partir de matériaux très polluants, comme le polyester vierge ou le cuir. “Il est impératif qu’en tant qu’industrie, nous soyons unis dans nos actions pour que ces approches se généralisent à l’international”, commentait la créatrice Phoebe English.
Cette initiative advient alors que Greta Thunberg qualifie l’ensemble de la COP26 de vaste greenwashing. Le coup de gueule de la fillette aux cheveux nattés, icône de la jeunesse woke, raconte plus largement une génération lasse des actions creuses “et des mensonges climatiques” d’industries telles que celle de la mode. Une accusation à laquelle les marques présentes, de Burberry aux marques du groupe LVMH, répondent en présentant les résultats concrets des initiatives déjà mises en place.
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Stella McCartney questionne la mode responsable
Comment déterminer les actions qui fonctionnent ? Que signifie être responsable ? La question adressée par Greta Thunberg trouve écho dans le discours de Stella McCartney qui confiait : “Je ne sais plus ce que signifie ‘sustainable’. »
Si pour la créatrice anglaise, le problème s’est aggravé, elle a choisi une voie pédagogique et artistique pour présenter ses propres initiatives. Entourée du prince Charles et de l’acteur activiste Leonardo DiCaprio, elle a lancé l’exposition “Future of Fashion : An Innovation Conversation with Stella McCartney” au Kelvingrove Art Gallery and Museum de Glasgow.
Vitrine débordant de verdure, jonchée de champignons, l’installation présente des matériaux innovants tels que le cuir de mycélium Mylo™ de Bolt Threads ou des cotons régénérés. Ainsi, la créatrice a partagé les réalisations de sa marque auprès du grand public par le prisme d’une expérience esthétique immersive.
“Ce sont les artistes et les scientifiques qui nous sortiront de là, pas les politiciens”, a déclaré de son côté Gabriela Hearst, directrice artistique de la maison Chloé, qui a pris la parole entourée de l’artiste Dustin Yellin et du chef étoilé Daniel Humm. En octobre dernier, la maison était la première à obtenir l’exigeante certification “B Corp” en plus de s’engager dans diverses causes éthiques.
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Changer de point de vue
Avec ses créations, la mode invite à changer de regard. “La mode est une industrie des innovations, qu’elles soient esthétique ou sociale”, note la sociologue Angela McRobbie. Aujourd’hui, elle doit continuer de faire rêver tout en s’engageant de façons concrète dans la durabilité et en trouvant des moyens de rendre accessibles les vêtements écoresponsables au plus grand nombre, afin de déjouer les fractures sociales accentuées par la crise environnementale.
Confrontée à une demande sociale accrue en matière de développement durable et d’éthique environnementale, issue de collectifs citoyens tels que Fashion Révolution ou d’ONG, avec le Fashion Pact de Greenpeace, l’industrie semble promouvoir la joie du militantisme décrit par Silvia Frederici dans Par-delà la frontière de la peau en 2020. “L’erreur est de se donner des objectifs qu’on ne peut atteindre, et toujours se battre ‘contre’ plutôt que de construire quelque chose.”
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