Le plasticien et designer Adrien Beau signe un premier long métrage gothique et queer d’une singularité folle.
Dès son ouverture, ce premier film s’écarte, au propre comme au crotté, au récit comme au pedigree, des sentiers battus. Beau bizarre, Le Vourdalak est l’adaptation d’une nouvelle écrite en français par le poète russe Alekseï Konstantinovitch Tolstoï (pas Léon donc, son cousin éloigné) et publiée à titre posthume en 1884. Présenté à la Mostra de Venise cette année, il raconte l’histoire d’un diplomate français, joué par un Kacey Mottet Klein tout simplement génial en marquis précieux, bas de soie, frimousse empoudrée et voix fluette qui, alors qu’il voyage à travers l’Europe de l’Est, se retrouve contraint de séjourner dans une famille de paysans rongée par l’absence du père. Celui-ci, parti à la guerre, les a prévenus : si au bout de dix jours il n’est pas revenu, il faudra le considérer comme mort et ne surtout pas le laisser entrer dans la maison, car il sera devenu un vourdalak, une sorte de monstre mi-vampire, mi-zombie, qui n’aura d’autre but que de leur sucer le sang.
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Dans une atmosphère vaporeuse, Adrien Beau, plasticien et designer passé chez Galliano et Dior avant d’être exposé par agnès b., signe un premier film d’une singularité folle. S’il fait référence au Nosferatu de Murnau et qu’on pense pour notre part à La Belle dormant d’Arrieta ou au cinéma de Tim Burton, Le Vourdalak invente son propre territoire de cinéma, né d’un double mouvement inverse. D’un côté un retour aux sources d’un cinéma organique et artisanal (jeux d’ombres expressionnistes, usage d’une marionnette pour représenter le monstre, pellicule 16mm) et du mythe vampirique (la nouvelle est antérieure au classique de Bram Stoker, Dracula) et, de l’autre, une projection dans des thématiques contemporaines (la fluidité de genre et la satire du patriarcat).
Casting impeccable
De ce syncrétisme jailit un cinéma gothique et queer, mais aussi propre à susciter un effroi singulier, primaire et magique, glacial comme le début de l’hiver. Là où le château et le statut d’aristocrate ont toujours été l’apanage du vampire, Adrien Beau lui donne une teinte paysanne et rustique. Son Vourdalak sent l’humus et la terre, tout autant que la mort. Ajoutez à cela un casting impeccable (Ariane Labed en pythie parachutée d’une tragédie grecque, Grégoire Colin en fils soumis et enfin Vassili Schneider en rebelle queer) et vous avez l’un des meilleurs premiers films de l’année. Une révélation.
Le Vourdalak d’Adrien Beau. En salles le 25 octobre 2023
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